Partout dans le monde, on ne parle que de la digitalisation et la finance n’est pas une exception, en particulier les établissements de crédit.
Les banques se livrent aujourd’hui à une course de réduction de coûts face à la maturité des marchés qui n’offrent plus de rythme de croissance à deux chiffres. Une partie de la solution est de passer à des agences dématérialisées et des plateformes qui prennent la place des points de vente classiques en brique et béton.
Mais en Tunisie, nous en sommes encore loin, à l’exception de certaines banques qui ont lancé des «agences pilotes» dans des zones huppées de la capitale. L’un des établissements de la place a dû récemment gérer la colère de ses employés et des syndicats après l’annonce de l’optimisation de son réseau. Nous pouvons donc imaginer les conséquences d’une opération de dégraissage avec un vrai passage au numérique et au traitement électronique des dossiers.
Un comportement logique….
Nos banques se focalisent encore sur l’extension des réseaux physiques. Il y a d’abord une réalité : les Tunisiens ne sont pas très chauds pour tout ce qui est digital et préfèrent les points de vente classiques. D’ailleurs, le commerce électronique peine à percer dans les habitudes du Tunisien bien que la majorité de la population soit connectée à la toile.
Mais il y a également d’autres raisons. Primo, les agences ne sont pas équitablement réparties entre les différentes régions. Sur les 1 827 points de vente (fin 2016), 41% sont dans le grand Tunis, 10% à Sfax et 9% à Sousse. Gafsa, Tozeur, Tataouine, Kébili, Kasserine, Sidi Bouzid, Le Kef, Siliana et Zaghouan se partagent ensemble 10%! Face à ce constat, les banques sont en train de récupérer ce retard à travers de nouvelles implantations dans les régions intérieures.
Secundo, le manque de concurrence incite à garder le modèle de fonctionnement actuel. L’économie tunisienne est largement basée sur le financement bancaire, et les clients se bousculent pour avoir accès aux financements. Selon les derniers chiffres publiés, le produit net des banques cotées s’est envolé de 18,09% en 2017. Les revenus des portefeuilles représentent aujourd’hui 28,4% du PNB, grâce à la hausse des taux d’intérêt et au bon comportement du marché actions tunisien durant l’année.
Pourquoi alors investir dans une transformation coûteuse qui ne pourrait pas porter ses fruits immédiatement et donner aux autres l’opportunité d’attirer des clients qui préféreraient toujours les agences classiques?
Tertio, les barrières à l’entrée au marché bancaire tunisien sont très élevées. Qui peut aujourd’hui avoir un nouvel agrément? Cette difficulté d’accès au secteur incite les acteurs actuels à poursuivre leur politique bien que ne rien ne prédise que les nouvelles implantations s’avèrent rentables.
… Mais qui conduit à une faible valeur ajoutée
Mais ce modèle restera encore valable pour combien de temps? Il faut impérativement commencer une transition technologique, en particulier via l’investissement dans les Fintech. D’ailleurs, c’est une opportunité pour créer des centaines de start-ups capables d’absorber un grand nombre de demandeurs d’emplois, aussi bien dans le secteur de la technologie que celui de la gestion.
Ces boîtes font parler d’elles aujourd’hui dans le monde et concurrencent sérieusement les banques en leur arrachant des parts de marché, notamment dans le segment du financement participatif. De plus, cela exigerait de nouveaux systèmes d’information, l’installation de plateformes et la conception de nouveaux produits et services. C’est toute une industrie qui sera lancée, sans oublier que cela rendrait nos banques proches de leurs clients avec un service sur tout le pays, enrayant de la sorte les disparités régionales.
Mais en même temps, c’est au détriment du métier du banquier classique que cela va se réaliser. Les banques vont faire appel à plus d’ingénieurs et de techniciens qu’à des financiers et des gestionnaires. Tous les établissements qui ont initié une telle démarche ont procédé à des plans sociaux, mais il ne faut pas reculer. Il convient plutôt de lancer des plans d’accompagnement et de formation, voire de reconversion professionnelle.
Pour finir, il faut rappeler que le jour où l’un des opérateurs prend ce virage, il va rafler tous ceux dont le mode de consommation a évolué. Les autres banques vont voir leurs positions déstabilisées et remises en cause. A elles de choisir.