Tel est le thème examiné, ce matin, par Kamel Rekik, consultant indépendant dans le domaine de l’énergie, et ce, lors d’une conférence-débat organisée par le Cercle Kheireddine sur les défis du mix énergétique et présidée par Ridha Ben Mosbah, vice-président du COS, en présence des membres de ce think-tank.
Dans son allocution d’ouverture, M. Ben Mosbah a affirmé que le système énergétique tunisien est de plus en plus confronté à des défis stratégiques, économiques, sociaux et environnementaux. Depuis 2000, la Tunisie est entrée dans un cycle déficitaire en énergie, provoqué par un gap notable entre la demande énergétique et la production nationale en énergie.
Il a d’ailleurs précisé que le déficit énergétique s’est accentué, passant de 15% en 2010 à 49% actuellement. Ce qui nécessite une refonte totale du système énergétique, axée principalement sur la bonne gouvernance, la transparence, la maîtrise de l’énergie, ainsi que la revue du système de la compensation.
En se référant à une étude récente élaborée par la STEG et la Banque Mondiale, Kamel Rekik a présenté un état des lieux du mix énergétique tunisien en 2015. A ce titre, il a indiqué que le pétrole représente 4,6 Mtep, le gaz 4,6 Mtep et 1% des énergies renouvelables y compris l’hydraulique.
Pourquoi ce mix a-t-il cette allure qui paraît relativement équilibrée? En réponse à cette interrogation, M. Rekik a annoncé que la production de pétrole, qui a démarré en 1966 à El Borma, le plus grand gisement de pétrole en Tunisie, a atteint un pic de 4 Mtep au milieu des années 70 et a été reprise au début des années 80. Elle a décliné régulièrement et ne représente plus actuellement grand-chose.
Puis, le deuxième plus grand gisement tunisien « Ashtart » est entré en exploitation en 1974, et les deux gisements réunis font actuellement moins de 1 Mtep. S’ajoutent à cela des productions de gisements de petite taille mais qui représentent aujourd’hui plus quee l’ensemble d’El Borma et d’Ashtart.
Quant à la disponibilité en gaz naturel, notre interlocuteur a précisé que la première disponibilité a été le gaz d’El Borma, avec des quantités modestes, mais qui ont constitué le point de départ de cette activité à la STEG, permettant d’alimenter la zone de Gabès en gaz naturel.
Le forfait «fiscal» est venu s’ajouter à ces disponibilités. En vertu de l’accord signé entre l’Etat tunisien et le groupe ENI, la Tunisie prélevait 5,25% des quantités du gaz traversant le pays en fonction des besoins et de la discrétion de la Tunisie. Le niveau de ce forfait a été, selon ses dires, relativement important, permettant de faire passer les disponibilités du gaz à près de 2 Mtep vers 2008/2009 et a représenté près de 500 millions de dollars de rentrées fiscales pour la Tunisie.
En 1990, le premier grand gisement de gaz « Miskar » dans le Golfe de Gabès a démarré, faisant monter les disponibilités totales du gaz à plus de 4 Mtep. Les dernières autres petites découvertes ont aussi augmenté les disponibilités.
Ce forfait fiscal a connu un pic entre 2000 et 2010 et depuis 2011 ces quantités ont sensiblement baissé, essentiellement du fait de la diminution de quantités achetées de l’Italie depuis l’Algérie, et ce, pour plusieurs raisons, à savoir: la crise économique, la concurrence du charbon avec l’avènement du gaz de schiste, ainsi que le niveau des prix qui a augmenté du côté algérien.
En ce qui concerne la consommation d’hydrocarbures entre 1966 jusqu’à 1972, Kamel Rekik a déclaré que 100% de cette consommation se faisait à partir des produits pétroliers. A partir de 1972, le gaz a fait irruption dans le paysage énergétique représentant jusqu’à aujourd’hui 50% de la consommation tunisienne. Par ailleurs, le secteur électrique a été le vecteur principal de cette pénétration rapide du gaz vu que la production d’électricité, en 2015, a nécessité la consommation des ¾ des quantités de gaz disponibles.
Perspectives à l’horizon 2030
Revenant sur les perspectives à l’horizon 2030, M. Rekik a annoncé que pour la production de l’électricité, outre le gaz naturel, il y a le charbon qui est très économique à l’achat et disponible partout mais problématique sur le plan écologique. Donc ce n’est pas encourageant de l’adopter en Tunisie.
Il y a les énergies renouvelables qui sont handicapées par le problème de l’intermittence et l’absence de stockage qui limitent les potentialités. Elles sont aussi handicapées par une compétitivité incertaine malgré la forte amélioration du photovoltaïque ces trois dernières années. Pour cette raison, un objectif volontariste de 30% d’électricité (éolien et solaire) à l’horizon 2030 a été assigné contre seulement 1% actuellement.
Il y a, également, le nucléaire. Ce dernier a une capacité de production standard de 1000 mégawatts alors que la demande totale en pointe est de l’ordre de 4000 mégawatts, ce qui risque d’entraîner des surcoûts assez lourds. De plus, sur le plan financier, le montant de l’investissement est très élevé, soit environ 10 milliards d’euros, sans parler des problèmes écologiques, dont la sûreté des installations et la gestion des déchets.
Au final, Kamel Rekik a souligné que le gaz naturel reste incontournable. Sa contribution au mix énergétique, à l’horizon 2030, serait de 70% contre 30% pour les énergies renouvelables et 30% d’importation via l’interconnexion entre la Sicile et la Tunisie avec la réalisation de deux câbles de 600 MW chacun, permettant de diminuer la production d’électricité en Tunisie de 30%. « Mais la réalisation de ces câbles coûte très cher. Ce problème a entraîné des négociations entre le gouvernement tunisien et l’Union européenne pour l’obtention d’un don permettant de réduire la production nationale d’électricité, ainsi que la consommation et l’importation de gaz », conclut-il.