Et si la Tunisie avait besoin d’un choc de puissance 2, d’un séisme à forte magnitude pour se ressaisir, se mobiliser, ne plus fuir les difficultés du moment et oser regarder l’avenir en face ?Fallait-il une nouvelle humiliation pour sonner le réveil et siffler la fin du désordre qui confine au chaos ? Que faut-il de plus qu’une mise à l’index par les grands et maîtres de ce monde pour stimuler notre instinct de survie, confondre nos propres détracteurs qui font peu de cas de notre dignité et de notre honneur bafoué ?
Qu’elle ait eu tort ou raison, la Commission européenne, que n’a pas désavouée dans sa totalité le Parlement du même nom, nous a fait mal là où l’on s’attendait le moins. Non que le pays soit exempt de tout reproche, mais parce qu’il ne s’est pas exonéré d’efforts pour engager les nécessaires et difficiles réformes – objet du litige – et dont on mesure les premiers effets en matière de bonne gouvernance, de transparence, de sécurité juridique des investissements,…
Tout ne pouvait se faire d’un seul trait, après que le pays fut ravagé par la déferlante post-révolution. Huit gouvernements en sept ans… La palme du désordre revient au gouvernement de la Troïka, qui avait mis le pays sur une orbite géostationnaire, au coeur même de la zone de turbulence arabe et moyen-orientale.
La Tunisie, porte-étendard de la cohorte anti-Bachar !… La suite, on la connaît. Elle est inscrite dans les statistiques de la violence, des attentats terroristes, de la chute de la production, de la montée du chômage, de la proximité des barons de la contrebande et des milieux djihadistes. Et comble de tout, de l’effacement de l’Etat, qui a mis longtemps pour signer son retour, sans pour autant rétablir son autorité pleine et entière.
Dans l’intervalle, les fondamentaux de l’économie tunisienne se sont effondrés, rendant plus difficile toute velléité de reprise des investissements, lourdement impactés par un indéniable déficit de confiance et manque de visibilité. Des fautes, il y en a eu à n’en pas finir. L’ennui est que, dans le champ de bataille économique, elles se paient dans le temps, avec les destructions d’emplois, la montée du chômage, l’hémorragie de devises, l’explosion de la dette, la hausse des prix, la chute de l’épargne et fin des fins, par une image abîmée, dégradée au plan international. Suit alors un chapelet de blacklists, au grand dam et à la grande inquiétude du pays, qui ne mérite pas une telle frustration, un tel affront, quand bien même il s’est laissé aller à une dangereuse dérive.
La Tunisie, jadis terre d’accueil où il faisait bon vivre, investir et travailler, fait figure aujourd’hui de mouton noir, quand elle prétendait être déjà au rang d’émergent. Paradis fiscal, alors qu’elle venait à peine de sortir de l’enfer du terrorisme ? Exposée au blanchiment des capitaux et au financement du terrorisme…
L’UE ne fait pas dans la dentelle. Pourquoi d’ailleurs doit-elle tolérer aux autres ce qu’elle s’interdit, même s’il y a beaucoup à redire au sujet de ses sentences. Quoi d’autre encore à ce stade de notre mise en examen ? Le tout sur fond de marasme économique. Que nous réserve l’avenir ? Que faire et comment sortir de ce piège ? Comment rompre ce cercle vicieux de la stagflation et retrouver les chemins vertueux d’une croissance forte et durable, synonyme de progrès économique, social et de paix civile ?
Autant de questions d’une extrême urgence, qui ont été au cœur du débat auquel nous avons convié les experts les mieux à même de nous indiquer des pistes d’action et de nous dessiner, en traits pleins, les voies de sortie de crise.
Participants
- Mme Fatma Marrakchi (économiste, universitaire)
- M. Habib Karaouali (Pdg CAP Bank)
- M. Walid Ben Salah (exper t comptable)
- M. Mohamed Salah Souilem (ancien directeur central BCT)
- M.Ahmed Mansour (expert-comptable)
Les échanges de vues ont vite tourné autour des axes suivants :
- Point de la situation : croissance et choix sectoriels
- Politique monétaire et inflation
- Entreprises et investissement
- La bonne g ouvernance : u n incontournable impératif
- La sortie de crise
L’intégralité de débat est publiée sur les colonnes du L’Economiste Maghrébin n°733 du 21 février au 7 mars 2018.