Dans quelques jours, les représentants de l’agence de notation Moody’s vont rendre visite à la Tunisie dans le cadre de la mise à jour de la note souveraine, dans des conditions économiques très difficiles.
La dernière révision de la note par l’agence américaine en août 2017 s’est soldée par une dégradation de «Ba3» à «B1», nous classant ainsi dans la catégorie «Highly speculative». De bons augures!
Que ferait Moody’s?
Certainement, nos «chances» pour être dégradé de nouveau sont réelles. Les pressions sur la balance des paiements sont fortes, avec un déficit courant désormais à deux chiffres du PIB, un creusement du déficit du commerce extérieur (15,592 milliards de dinars en 2017), des investissements directs étrangers en berne, un taux de change du dinar en perte de vitesse vis-à-vis de l’euro et du dollar et une inflation galopante.
Même les chiffres du secteur bancaire qui, à première vue révèlent une bonne santé de l’économie, ne le sont pas en réalité. Il est vrai que les dépôts se sont accélérés (+10,6% selon les chiffres des banques côtées), mais il faut regarder les fondamentaux des banques qui sont en train d’empirer. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le ratio Dépôts/Crédits. En 2014, il était à 100,8%, donc juste à l’équilibre. Fin 2017, nous sommes à 93,9%! C’est une bombe à retardement car le secteur serait, à terme, incapable de financer l’économie. Cerise sur le gâteau: la situation des banques publiques. Les dépôts ne couvrent que 86,3% des crédits accordés, ce qui montre que l’Etat doit impérativement mettre les mains dans la poche (du contribuable) pour recapitaliser.
Cela sans oublier bien sûr l’impact des récentes classifications dans des listes noires qui montrent certaines faiblesses du secteur financier et du blocage que connaissent certains secteurs clés comme celui des phosphates.
Quels impacts?
Les conséquences d’un abaissement de la notation sont connues. Mais dans le contexte tunisien, c’est encore plus délicat dans la mesure où une sortie sur les marchés est programmée. Non seulement il y a un environnement propice à la hausse des taux sur les marchés internationaux, mais il y aura une hausse de la prime de risque et, par conséquent, une augmentation du coût de la dette. Si la Tunisie n’arrive pas à collecter la totalité du montant qu’elle cherche à lever dans des conditions acceptables, nous allons connaitre un recul dans notre pouvoir de négociation avec les principaux bailleurs de fonds (FMI, Banque Mondiale et BAD).
Par ailleurs, il y aura une baisse des flux des capitaux étrangers, une augmentation du taux de garantie et la baisse des lignes de garantie accordées aux entreprises étrangère par des agences de crédit export, à l’instar de COFACE et une rétrogradation mécanique des notes des établissements financiers tunisiens.
Quelles solutions?
Mais dans tous les cas, les agences de notation ont le mérite de mettre le doigt sur les points de faiblesses du pays. Cela constitue alors une opportunité pour mettre en place une feuille de route capable de remettre le pays sur les rails. L’exécutif doit frapper fort et prendre d’importantes actions est nécessaire pour arrêter l’hémorragie des déficits extérieurs et budgétaires et pour réduire les vulnérabilités du secteur bancaire (dettes carbonisées). D’autres sont également essentielles pour générer une croissance élevée et capable d’absorber le chômage et réduire les disparités sociales et économiques. Le problème est que la loi de finances 2018 n’offre pas de signes encourageants en matière d’incitations aux investissements. Ce qui est sûr, c’est que les grandes réformes, socialement délicates, semblent être ajournées. C’est le problème majeur de ce pays.