Si la Tunisie n’adopte pas les réformes économiques nécessaires, il ne sera plus possible de parler d’indépendance économique, soutient l’expert-comptable associé au cabinet United Advisers, Omar Besbes, dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com, à l’occasion du 62ème anniversaire de l’indépendance.
Omar Besbes a rappelé que la Tunisie a été colonisée, entre autres, à cause de son incapacité à honorer ses dettes envers la France, étant donné qu’elle était un pays surendetté et incapable d’honorer ses engagements. Poser des questions sur l’indépendance économique de la Tunisie à l’occasion du 62ème anniversaire de l’indépendance est une question légitime vu la situation actuelle, affirme l’expert-comptable.
Omar Besbes a précisé que l’indépendance économique se mesure par la dépendance par rapport à l’endettement et par rapport à la capacité d’un pays de rembourser ses dettes. Analysant le cas de la Tunisie, notre invité a affirmé qu’il est clair que le pays est dépendant vis-à-vis de l’endettement. Dans ce contexte, il ne manque pas de rappeler que le taux d’endettement avoisine les 70% du PIB et pourrait atteindre les 73% en 2019, alors qu’il était à 40% du PIB en 2010.
Malgré la révision à la baisse de la note souveraine de la Tunisie par l’agence de notation Moody’s, la Tunisie va continuer à s’endetter en dépit de taux d’intérêt qui vont être très élevés. A cet égard, il a estimé que le taux d’intérêt minimal sera de l’ordre de 7%.
Dans d’autres pays dont l’économie est florissante, le taux d’endettement du PIB atteint 90% à titre d’exemple, en France il avoisine les 100%, explique-t-il, avant de préciser que «l’endettement est bon quand il est orienté vers l’investissement et le développement, alors qu’en Tunisie, il est très clair que l’endettement extérieur n’est pas destiné à cette fin».
Afin d’appuyer ses propos, Omar Besbes n’a pas manqué d’exposer un certain nombre de chiffres révélateurs. La loi de finances 2018, prévoit des ressources d’emprunt extérieur de 7,2 milliards de dinars, alors que l’investissement est de l’ordre de 2.7 milliards de dinars en investissements directs et 600 millions de dinars en investissements de développement. Les ressources propres de l’Etat sont de l’ordre de 24 milliards de dinars, alors que les dépenses sont de 35 milliards de dinars. «Aujourd’hui, l’Etat est obligé de s’endetter à hauteur de 11 milliards afin de pouvoir combler les dépenses», dit-il.
Mais quelle est l’origine de l’écart entre dépenses et recettes? À cette question, Omar Besbes pointe du doigt une masse salariale de 15 milliards de dinars, six milliards de dinars d’interventions publiques pour financer, entre autres, le déficit des caisses sociales, deux milliards de dinars pour financer le déficit des entreprises publiques et huit milliards pour rembourser les dettes antérieures. Il résulte de cette situation que le gouvernement est accablé par des charges fixes annuelles de 31 milliards de dinars entre salaires, déficits des caisses sociales et des entreprises publiques et remboursement des dettes, alors que les ressources propres sont de l’ordre de 24 milliards.
Tout en affirmant que l’Etat n’est pas encore en situation de cessation de paiement, Omar Besbes a estimé que cela devrait arriver si la situation continuait sur la même lancée pendant deux ou trois ans, «et ce jour-là, on ne peut plus parler d’économie indépendante», affirme-t-il.
Afin d’éviter cette situation, M. Besbes recommande une panoplie de mesures tendant à réformer l’économie. Ainsi, il faut agir sur les dépenses et sur les recettes. Au niveau des recettes, il n’est plus possible d’augmenter la pression fiscale, que ce soit au niveau de la TVA de l’IS/IRPP, ou au niveau des contributions conjoncturelles pour les entreprises, ni de réduire les incitations pour les investisseurs. «Aujourd’hui tous les intervenants s’accordent à dire qu’il n’est plus possible d’augmenter la pression fiscale pour ne pas faire faire fuir les investisseurs et encourager le marché parallèle et la contrebande», explique-t-il.
En deuxième lieu, l’Etat doit, pour renflouer le budget, accélérer le rythme de recouvrement de ses créances certaines qui avoisinent 1,7 milliard de dinars. «D’une part les créances s’accumulent et d’autre part les actions de recouvrement de l’Etat gagnent à être améliorées», étaye-t-il.
En troisième lieu, il recommande de faire des efforts pour renouer avec la croissance. A cet égard, il a affirmé qu’au meilleur des cas, la Tunisie réalisera 2,8% de croissance en 2018, l’augmentation du taux de croissance se fera à travers la réforme de la fiscalité qui va garantir la stabilité fiscale à un moment où les investisseurs étrangers ne veulent plus investir dans un pays ayant un cadre fiscal instable. Il faudra aussi réformer la fonction publique en éliminant la bureaucratie et en simplifiant les procédures, la douane et l’économie parallèle et la corruption et maîtriser les salaires des fonctionnaires en annulant les prochaines augmentations salariales.
«Quand je regarde la situation des finances publiques et l’équilibre budgétaire en Tunisie je me dis qu’il existe un miracle quelque part», conclut-il.
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