Plusieurs raisons profondes au départ des compétences et talents tunisiens et des défis sont posés aujourd’hui aux secteurs public et privé. Ces départs à l’étranger se sont accélérés ces dernières années. Les sources des chiffres des compétences tunisiennes expatriées sont multiples, mais ne permettent pas de cerner ce phénomène, ses profondes raisons ni ses impacts sur le pays. Peu de chiffres sont disponibles sur le retour des compétences tunisiennes en Tunisie. Toujours est-il que ces chiffres, qui font froid dans le dos, incitent à prendre les choses au sérieux, car il y a péril en la demeure.
Selon des chiffres, considérés comme fiables, vérifiables et officiels du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, 8200 est le nombre, enregistré ces dernières années, des nouveaux départs des cadres supérieurs tunisiens à l’étranger. Il s’agit de 2300 enseignants chercheurs, 2300 ingénieurs, 1000 médecins et pharmaciens, 450 informaticiens non-ingénieurs, et autres ont quitté le pays pour travailler à l’étranger.
Ce chiffre relativement important est beaucoup moins inférieur que les chiffres de l’Agence tunisienne de la coopération technique qui parlent de 17500 cadres supérieurs et techniciens supérieurs tunisiens installés à l’étranger, principalement dans les pays arabes (13000). 1200 cadres supérieurs et techniciens supérieurs tunisiens sont installés aux USA.
Parmi ces 17500 cadres et techniciens, on trouve 4000 dans le domaine de la santé, 1600 administratifs et 330 ingénieurs.
Dans le domaine de l’enseignement supérieur, 1513 enseignants supérieurs tunisiens sont actuellement à l’étranger. Le retour des enseignants supérieurs en Tunisie est d’une moyenne de 200 enseignants par an.
Selon les résultats préliminaires d’une enquête présentée aujourd’hui par l’Atuge sur les premiers enseignements sur la mobilité des compétences tunisiennes à l’étranger réalisée en 2018 sur un échantillon de 404 personnes, le nombre des compétences tunisiennes expatriées est de 85000 (base de données de l’Office des Tunisiens à l’Etranger). Notons que ce chiffre contredit ceux du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
Un départ sur trois à l’étranger est motivé par la dégradation des conditions dans le pays (corruption, absence de vision et bureaucratie) et le manque de confiance en l’avenir du pays.
47% des sondés, soit environ la moitié des expatriés, demeurent ouverts au retour au pays et ils sont motivés par l’envie d’entreprendre et d’investir en Tunisie après leur retour. Le désir profond de revenir en Tunisie concerne 15% d’entre eux qui souhaitent investir en Tunisie pour un montant de six milliards de dinars dans les prochaines années.
Dans le domaine de la santé, le départ des compétences tunisiennes est devenu presque un rituel. En 2017, sur 1000 médecins inscrits à l’Ordre national des médecins, 400 ont quitté le pays contre 58 sur 925 médecins en 2013.
Interrogé aujourd’hui dans le cadre du forum de l’Atuge, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a affirmé qu’il y a donc nécessité de mettre en place une politique d’attractivité des meilleures compétences tunisiennes vers les meilleures niches d’excellence en Tunisie à travers la création de projets de recherche scientifique.
Pour faire face à cette cacophonie dans les chiffres en matière de mobilité et le retour des compétences tunisiennes, le ministre a proposé une plateforme numérique pour rapprocher la diaspora scientifique tunisienne et encourager la culture de réseautage.