«L’accélération de la mise en œuvre des programmes d’efficacité énergétique», tel est le thème de la Conférence nationale organisée les 05 et 06 avril 2018 à Tunis, sous le haut patronage du Chef du Gouvernement Youssef Chahed et en présence de Khaled Kaddour, ministre des Energies, des mines et des énergies renouvelables, Diego Zorilla, représentant résident du PNUD et coordinateur résident du Système des Nations unies en Tunisie, ainsi que des experts nationaux et internationaux.
En marge de la session introductive de la première journée de cette conférence, l’accent a été mis sur l’état des lieux et les objectifs des programmes d’efficacité énergétique en Tunisie. A cet égard, Hamdi Harrouch, Directeur général de l’ANME, a annoncé que la dernière décennie a été marquée, en Tunisie, par une baisse importante des ressources en énergie primaire et une augmentation de la demande. Ce qui a entraîné une aggravation du déficit énergétique pour atteindre un record de 4,7 MTEP en 2017.
« Cette aggravation du déficit énergétique s’est traduite par une détérioration de notre indépendance énergétique qui a atteint un record en 2017, pour se situer à 49% contre 7% en 2010 ».
De ce fait, la Tunisie a, selon ses propos, mis en place une stratégie d’efficacité énergétique reposant sur trois piliers : des objectifs quantifiés, des programmes par secteur d’activité et notamment sur la mobilisation des moyens à travers la mise en place d’un cadre institutionnel avec l’ANME.
« Cette stratégie a permis un découplage net entre croissance économique et consommation d’énergie surtout à partir des années 2000. Ce découplage s’est traduit par une baisse de l’intensité énergétique, suivie d’une stagnation liée à une conjoncture économique difficile ».
Par ailleurs, une nouvelle stratégie 2018/2030 a été menée ayant pour objectifs le développement de l’efficacité énergétique, la réduction de la consommation de l’énergie primaire à l’horizon 2030 de 30% par rapport à 2010 et l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de 30%. « En concrétisant ces objectifs, l’on devrait pouvoir réduire la dépendance énergétique pour la situer à 60% contre 89% sans efficacité énergétique ».
Pour ce faire, M. Harrouch a recommandé l’accélération de la mise en œuvre de ce plan d’action, avoir une vision globale à long terme, intégrer des dimensions sociales et régionales et opérationnaliser le fonds de transition énergétique.
STEG : pour un système électrique durable et efficace
Pour sa part, Samir Chérif, chef du département auprès de la STEG, a rappelé de prime abord que la maîtrise de l’énergie est la première préoccupation de la STEG, qui est acteur dans la réalisation des programmes de maîtrise de l’énergie en Tunisie.
Afin de garantir un système électrique durable et efficace, il a affirmé qu’au volet du mix électrique, les défis ont été focalisés sur la forte croissance de la demande d’électricité, la forte dépendance du gaz naturel, le déclin des ressources de gaz naturel…
En ce qui concerne efficacité énergétique, il a précisé que du côté de l’offre, la STEG a misé sur l’amélioration de la consommation spécifique passant de 105 TEP/gigawatt en 2005 à 205 TEP/gigawatt en 2017, avec un objectif de 210 TEP/gigawatt en 2020; et ce, grâce aux technologies de cycle combiné.
Elle a misé, aussi, sur la réduction des pertes de transport, pour atteindre 6535 km en 2020 et des pertes de distribution (gisement d’économie d’énergie) qui ont atteint 14,5% en 2017. Ces pertes devraient, selon le responsable, atteindre 10% en 2020.
« L’atteinte de ces objectifs est basée sur une panoplie d’actions. Il s’agit du futur projet de Smart Grid (réseau électrique intelligent) de la STEG qui consiste, dans une première phase, en un projet pilote à Sfax (2019/2021) visant l’implantation de 400 mille conteurs intelligents, et dans une deuxième phase, en la généralisation sur tout le territoire tunisien à partir de 2022. Il s’agit, également, du projet STEP qui concerne le stockage de l’énergie visant une capacité de 2*200 mégawatt et une énergie productible de 950 gigawatt/an ».
Du côté de la demande, M. Chérif a indiqué que la STEG a misé sur l’utilisation des outils de tarification pour orienter les clients vers une utilisation efficace de l’électricité. Elle a, aussi, misé sur l’appui au développement de la cogénération. Sachant que la capacité installée dans l’industrie et le territoire a atteint 80 mégawatt en 2017. Idem pour l’appui au bâtiment efficace via le programme CES et Toits solaires. Dans ce sens, une troisième convention a été, selon ses dires, signée à fin 2017 avec Attijari Bank pour la période 2018/2021. S’ajoute à cela le programme Prosol Elec Social.
Ces actions exigent la promotion de nouvelles filières d’efficacité énergétique, notamment en termes de climatisation efficace et d’isolation des bâtiments, ainsi que l’amélioration et l’innovation des dispositifs de soutien financier…
PNUD : relancer l’efficacité énergétique avec une vitesse plus forte
Pour sa part, El Kebir Mdarhri Alaoui, représentant adjoint du PNUD en Tunisie, a fait savoir que la Tunisie est classée première dans la région en termes d’avancement dans l’efficacité énergétique. Et pourtant, « il faut relancer cette efficacité énergétique avec une vitesse plus forte ».
Pour ce faire, il a préconisé de relancer, en premier lieu, les campagnes de communication et de sensibilisation pour contribuer à économiser de l’énergie, réduire l’intensité de la subvention énergétique et faire de l’efficacité énergétique une véritable préoccupation nationale.
En deuxième lieu, il a évoqué la nécessité de la concentration sectorielle, en mettant le doigt sur les secteurs à forte valeur ajoutée de réduction de la consommation et créateur d’opportunités pour le renouvelable et pour la création d’emplois et de la richesse.
M. Alaoui a également recommandé de se focaliser sur la décentralisation, tout en gardant les liens entre les différents niveaux d’intervention, estimant que l’approche sectorielle a permis, dans beaucoup de pays, de créer une concurrence positive inter-régions et inter-villes. « C’est dans l’attractivité territoriale qu’on peut avoir une meilleure énergie accessible à moindre coût. Ceci reste tributaire d’une administration stable et qui ne soit pas bousculée par les soubresauts que connaît le pays ».
Les cinq « D » de l’efficacité énergétique
Au final, Benoît Lebot, directeur exécutif – International partnership for energy efficiency cooperation, a rappelé, d’abord, que la Tunisie a fait un excellent travail pour mettre en place des politiques publiques d’efficacité énergétique réussites.
Par la suite, il a souligné que l’efficacité énergétique se résume en 5 « D ». Il s’agit de:
- « Découpler » la consommation par rapport à l’usage et la croissance économique par rapport à la consommation nationale d’un pays.
- « Décarboner » pour un impératif global dans le monde visant la neutralité carbone à 2050 (Accord de Paris), tout en sachant que le plus grand gisement est celui de l’efficacité énergétique.
- « Décentraliser » via des politiques publiques qui s’imposent, pour que dans chaque municipalité, communauté, industrie, business, on puisse impliquer l’efficacité énergétique et l’accompagner au niveau local.
- « Digitaliser », ce qui va permettre d’accéder aux données nécessaires pour établir les lignes de base et les politiques publiques de l’efficacité énergétique et mieux maîtriser l’énergie.
- « Désirable » : passer du développement durable au développement désirable, parce que si on ne croit pas aux changements climatiques on n’y arrivera pas, car l’efficacité énergétique est une ressource qui a besoin de beaucoup de temps pour se déployer.