Les politiques adoptées pour assurer une meilleure insertion professionnelle des personnes en situation d’handicap n’ont pas pu réaliser les résultats tant attendus. C’est ce qui ressort de la table ronde organisée par Toumouh Job Centers, structure dédiée à l’employabilité des jeunes au sein de l’Institut arabe des chefs d’entreprises, en coopération avec l’ONG Humanité et Inclusion, aujourd’hui 8 mai, au siège de l’IACE à Tunis.
Pour rappel, d’après le premier rapport mondial sur le handicap établi conjointement par l’Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale, plus d’un milliard de personnes aujourd’hui dans le monde souffriraient d’un handicap, soit 15% de la population mondiale. Pire encore, d’après l’Organisation internationale du travail, à peu près 80% des personnes en situation de handicap sont en âge de travailler. Les chiffres parlent d’eux -mêmes et affirment que le handicap est un obstacle à l’accession au marché du travail.
Bien avant d’aborder la problématique en termes de chiffres, une définition s’impose. Selon le Professeur en rééducation physique Fatma Zohra Ben Salah, on entend par handicapé : toute personne qui présente une limitation dans une ou plusieurs activités de base de la vie courante consécutive à une atteinte de ses fonctions mentales ou sensorielles ou motrices, d’origine congénitale ou acquise.
Elle a indiqué que le taux de personnes portant des handicaps dans le sud tunisien est de l’ordre de 2% à 2,3%, contre un taux de 1% dans le nord de la Tunisie, à l’instar de Tunis et l’Ariana. 47% des handicaps sont congénitaux, 38,7% sont dus à une maladie et 10% des handicaps résultent d’accidents professionnels, affirme-t-elle. Le nombre total des personnes porteuses d’handicap en Tunisie est de l’ordre de 151.423 soit 1,5% de la population dont 42,1% portent un handicap moteur.
La professeure a affirmé lors de son intervention que la société doit s’adapter aux besoins des personnes porteuses de handicap. Pour elle, si un porteur de handicap est dans l’incapacité d’emprunter un escalier, c’est parce que l’escalier n’est pas aménagé, autrement dit cela n’a rien à voir avec sa limitation d’accès. Elle a plaidé pour une meilleure approche dans l’aménagement des espaces publics pour ces personnes, loin du regard de l’empathie sur eux. Ainsi le problème se pose au niveau du regard de la société sur l’handicap.
Au niveau de l’insertion professionnelle, la situation est loin d’être parfaite. L’intervention de Jalila Oueslati, responsable du dossier de l’employabilité des personnes porteuses d’handicap au sein de l’Agence nationale pour l’emploi et le travail indépendant (ANETI) fait le constat que le recrutement dans cette catégorie sociale n’est pas satisfaisant. Chiffres des caisses sociales à l’appui : la totalité des recrutements des personnes porteuses d’handicap à travers le recrutement direct (sans passer par les bureaux d’emploi) est de l’ordre de 232 (2017-2018), dont 76 femmes et 32 titulaires de diplômes de l’enseignement supérieur.
1189 personnes porteuses d’handicap ont présenté leur demande d’emploi aux bureaux d’emploi. Le pourcentage des porteurs d’handicap qui ont été recrutés dans le cadre des programmes du ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi n’est pas prometteur. En effet, 25 personnes ont été recrutées en 2018 dans le cadre du Contrat de stage d’initiation à la vie professionnelle (SIVP), contre 75 en 2017. 40 personnes ont été recrutées en 2018, dans le cadre du Contrat d’Adaptation et d’Insertion Professionnelle (CAIP) contre 160 en 2017. 18 personnes ont été recrutées dans le cadre du Programme du Service Civil Volontaire (SCV) en 2018 contre 115 en 2017. Et pour ce qui est du programme Contrat de la dignité, l’intervenant a précisé que 19 personnes ont été recrutées dans le cadre du programme en 2018 contre 41 en 2017.
De son côté Mehrez Achfar, membre de l’ONG Humanité et Inclusion a présenté les résultats et les recommandations d’une étude menée de janvier à juillet 2017 et faite dans la délégation de Manouba sur les personnes porteuses d’handicap. Il en ressort que l’handicap augmente de manière exponentielle avec l’âge. 48,9% des interrogés sont touchés par un handicap lié à la mobilité. L’étude a dévoilé que les familles de ces personnes ont des charges mensuelles évoluant entre 300 et 500 dinars. 47% des interrogés affirment manquer d’une aide externe dont ils auraient besoin dans leur quotidien. Les difficultés de se faire soigner sont multipliées par trois. 37,6% de ces personnes ont arrêté leurs études dès le primaire, 25,6% d’entre elles n’ont jamais accédé à l’école. En ce qui concerne l’accès à l’emploi, l’étude précise que les actifs handicapés sont quatre fois moins présents sur le marché de l’emploi. L’étude recommande, entre autre, l’amélioration de l’accès à l’espace public et aux transports et la mise en place d’une stratégie adéquate.
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