«Les phosphates tunisiens : success story, défis actuels et futurs », tel est le thème de la conférence présentée le 12 mai par Kaies Daly, ancien PDG du Groupe Chimique Tunisien, dans le cadre d’une rencontre-débat organisée par le Cercle Kheireddine, au siège de l’UTICA.
Kaies Daly a procédé à une vision rétrospective, lors de son analyse de la situation, en partant du début de la fondation de la CPG jusqu’à la période post-révolutionnaire. Il a, en effet, rappelé qu’en 1956, la Tunisie produisait environ deux millions de tonnes de phosphate naturel, et ce, à travers la Compagnie de phosphate et du chemin de fer de Gafsa (capitaux français), la Compagnie tunisienne des phosphates de Djebel Mdhilla (capitaux belges) et Sthephos (Rhône Poulenc opérant à Kalaâ Khasba) et la SIAPE basée à Sfax. A l’époque, la part de la Tunisie dans la production mondiale de phosphate naturel était de l’ordre de 6%. Pour les engrais phosphatés, elle était de moins de 1%.
Tout en s’appuyant sur des chiffres officiels, il a rappelé qu’en 2010, la Tunisie a produit huit millions de tonnes de phosphate, soit une production qui n’a plus été atteinte depuis le début de la période post révolutionnaire. En 2010, le secteur pesait 2% du PIB, 8% des exportations, 0,3% des emplois, mais 1% de la masse salariale nationale. Bien que la production de phosphate en Tunisie ait atteint son apogée en 2010, elle demeure inférieure à celle de la Chine (85 millions de tonnes), Maroc (26 millions de tonnes) et USA (26 millions de tonnes).
Revenant sur la situation du secteur minier à partir de 2011, Kaies Daly a indiqué que cette période a été marquée par une régression historique de la production (-60%) et de lourdes pertes en termes de présence mondiale, à cause de la perte de plusieurs marchés. A cet égard, il précise que la part de la Tunisie à l’échelle mondiale est passée de 4.4% à 1,7% avec une régression au classement de la cinquième position à la dixième position.
Le secteur risque d’être marginalisé à long terme si une stratégie efficace n’est pas mise en place, d’après Kaies Daly. Le nombre de jours d’arrêt des usines de lavage des phosphates pour blocages extérieurs a baissé de 150 jours en 2011 à environ le tiers en 2017. Les pertes de production par manque d’efficacité interne sont maintenant plus importantes que celles provoquées par les protestations sociales, affirme l’intervenant.
La production augmente de 2.3 millions de tonnes en 2011 à 4 millions en 2017. La réception du phosphate dans les usines chimiques, qui avait atteint en 2012 plus de 80% de leur capacité est retombée à 45% en 2017. Mi-février 2011, une nouvelle stratégie avait été mise en place progressivement, en concertation avec le gouvernement qui inclut trois volets: le développement régional, les ressources humaines et la mobilisation des stocks stratégiques de phosphates s’élevant à près de sept millions de tonnes.
Par la même occasion, Kaies Daly a regretté le fait que l’Etat, pendant la période du 14 janvier, se soit retiré des zones de la production, laissant la CPG et la CGT en confrontation directe avec la population. Et de rappeler que les nouveaux gouverneurs barricadés au siège de leurs gouvernorats étaient protégés par l’armée.
Phosphate : le moment d’agir
Sur un autre volet, l’intervenant a procédé à une synthèse de toutes les périodes qu’a traversées le secteur minier en Tunisie. La première phase de modernisation post-Seconde Guerre mondiale (1975- 1990) a permis de reprendre légèrement les parts de marché au niveau mondial, bien que le secteur soit demeuré fragilisé au niveau financier. La deuxième période s’étale de 1990 à 2010. Il s’agit d’une période caractérisée par la poursuite de la remontée en termes de parts de production mondiale à 4,4%. Mais la gestion monopolistique de l’Etat du secteur n’a pas permis au secteur d’évoluer comme il se doit, préparant le terrain à la grave crise post-14 janvier 2011. La troisième période démarre à partir de 2011 pour culminer avec la crise sans précédent du secteur jusqu’à nos jours.
En guise de conclusion et de recommandations, Kaies Daly a affirmé que le secteur du phosphate est aussi important pour l’économie tunisienne que le tourisme, étant tous les deux sources de devises. « Il est temps que l’Etat prenne sérieusement les choses en main et redresse la situation du phosphate », ajoute Kaies Daly.
Ce secteur a besoin de davantage d’attention et de sollicitude de la part non seulement des pouvoirs publics, mais également des parlementaires et des médias.
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