Youssef Chahed fait part de son étonnement face à une abstention record lors de ces dernières élections municipales et pour en comprendre les raisons, il a décidé de lancer une enquête qui concerne 10000 jeunes. Si la situation n’était pas aussi dramatique, cela donnerait presque à sourire.
Par où commencer pour expliquer le dos tourné des jeunes à ces élections? La corruption enracinée pour au moins deux ou trois décennies qui a sclérosé la société, le chômage endémique des jeunes et plus particulièrement des jeunes diplômés qui décident de s’expatrier, la précarité qui s’est invitée dans le quotidien de bon nombre de nos compatriotes, les inégalités persistantes, une classe politique qui s’enrichit sur le dos des administrés que nous sommes, l’hôpital public devenu l’antichambre de la mort pour les malades qui n’ont pas les moyens de s’offrir les services des cliniques privées. Bref la liste est longue et même très longue.
Est-il donc nécessaire, au vu de ces anomalies plantées comme un décor permanent, de diligenter une enquête pour savoir pourquoi les jeunes ont boudé les élections municipales ? La réponse est bien évidemment non! Déployer des services de l’Etat pour réaliser un travail aussi inutile qu’onéreux et dont le résultat est déjà connu de tous sonne comme un non-sens. C’est la démonstration que ce gouvernement – comme les précédents – a totalement perdu le sens des réalités.
Les jeunes sont tournés vers l’Europe, qu’ils soient médecins, ingénieurs ou économistes et ambitionnent tous de rejoindre ce continent pour y construire leur vie. L’Europe n’est certes plus l’Eldorado qu’elle fut, mais permet encore de donner un sens à des mots comme avenir ou espoir, tandis que la Tunisie ne rime plus qu’avec résignation et défaite. Les dés sont jetés dès la naissance dans ce pays où tout se décide au piston, aux relations occultes et aux pots-de-vin. La Tunisie est arrivée à un point de non-retour qui ne permet plus raisonnablement d’espérer un changement dans l’intérêt supérieur de la patrie.
Par conséquent, relayer ce simulacre de scrutin au rang de non-événement s’inscrit dans une logique à la portée de tout esprit normalement constitué. La démission civique de cette jeunesse désabusée par tant de promesses non tenues sonne ainsi comme le clap de fin d’un psychodrame dont le perdant n’est autre que la nation et la haute idée que l’on s’en fait.