2,5% est le taux de la croissance au premier trimestre 2018 (en glissement annuel),a annoncé en grande pompe le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération. Reste à savoir ce que l’on attribue à ce mot croissance qui est devenu une obsession pour les acteurs politiques et les observatoires chargés de la mesurer.
Nous courons après cette mesure chaque année sans savoir ce que le taux déclaré représente réellement. Pourtant la croissance telle qu’elle est calculée n’est plus un indicateur d’avancée sociale ni de progrès technologiques au service de l’humain. Or l’économie doit œuvrer au bénéfice de ces deux éléments sinon nous dévions de notre objectif, à savoir que l’économie doit profiter à tous et ce de façon socialement équitable.
Force est de constater que ce que nous appelons croissance économique n’est en rien un indicateur de bien-être mais une simple mesure de l’augmentation des richesses ou plutôt des supposées richesses que nous produisons.
La hausse de la production automobile diesel laquelle est à l’origine d’émission de particules fines causant ainsi de nombreuses pathologies respiratoires ne peut en aucun cas incarner une amélioration du bien-être social. Pas plus que la production d’engrais chimiques et de pesticides dont on sait aujourd’hui qu’ils sont porteurs de perturbateurs endocriniens et à l’origine de nombreux cancers.
La hausse du trafic aérien vient aussi renforcer le socle de cette croissance alors qu’il est responsable à lui tout seul de 3% des gaz à effet de serre dans le monde.
La dévastation des forêts qui, en apparence est le point de départ d’un vaste processus de production et d’écoulement de biens d’équipements domestiques, détruit par la même occasion tout un écosystème pourtant nécessaire à notre existence.
Voici donc un bref aperçu de la contradiction économique qui se cache derrière ce concept de croissance. Autant d’exemples que la rationalité économique et sociale commande de dénoncer sans quoi nous continuerons toujours à vivre sous le joug d’une conception mortifère de l’économie.
Cette croissance derrière laquelle courent toutes les nations civilisées ou qui se présentent comme telles est en train de saccager notre planète car cet instrument n’est ni plus ni moins qu’une incitation à la surconsommation.
Faire de la croissance une boussole économique est une erreur manifeste et là encore, il ne faut pas attendre de nos dirigeants qu’ils soient pionniers dans la contestation d’un tel modèle.
Certes nous ne sommes que la Tunisie dans un monde vaste et globalisé, mais cela n’empêche pas d’avoir une élite scientifique et intellectuelle au sens noble du terme, d’être précurseurs dans cette prise de conscience nécessaire. La Tunisie dans le monde, c’est le suivisme et le mutisme. Quant aux initiatives salutaires elles peuvent attendre…
Chaque pays se livre aujourd’hui au sport de « qui aura le plus de croissance » et la Tunisie prend toute sa part dans cette compétition décadente alors que celle-ci ne répond plus à aucun standard social ni environnemental. Il est donc grand temps que d’autres instruments de mesure plus justes se substituent à ce qu’il est permis d’appeler la dictature des chiffres et de la rentabilité financière sans quoi nous commettrions le crime de laisser aux futures générations un monde qui ne sera plus qu’un champ de ruines.