Les résultats d’une enquête réalisée la semaine dernière par le média français NewsTank portant sur l’évolution des frais de scolarité de 192 écoles d’ ingénieurs françaises ont été révélés par le quotidien Les Echos. Il en ressort que le coût de formation d’un ingénieur a flambé dans les écoles publiques de 28 % sur cinq ans (de 706,40 € en 2012 à 905,80 € en 2017), tandis que celui des écoles privées a augmenté de 11% (de 5.913,7 € à 6.534,70 €). Ce chiffre s’ajoute à celui de la formation d’un médecin qui coûte 20 000 € par an, sachant que nous parlons ici d’un cursus de neuf ans.
Mais quelle est l’importance de ce chiffre pour nous? L’importance réside dans le nombre d’ingénieurs et de médecins tunisiens qui ont quitté en direction de l’Hexagone depuis la révolution et qui dépasse, selon les meilleures estimations, les 50 000. Nous assistons quotidiennement à des offres lancées par des sociétés de services en ingénierie informatique (SSII) et des entretiens sont organisés chaque weekend à Tunis par des chasseurs de têtes français. Le flux ne cesse d’augmenter et stabiliser une équipe d’ingénieurs pour une entreprise est devenu une tâche ardue.
Un simple calcul montre que ces 50 000 ingénieurs représentent une main- d’œuvre qualifiée et opérationnelle que les pays occidentaux sont en train de bénéficier, avec zéro centime dépensé dans leur formation. Si ces 50 000 avaient été formés par des écoles d’ingénieurs privées françaises, le coût aurait été de plus de 326 millions d’euros, ou près d’un milliard de dinars. Est-ce que nos responsables sont conscients qu’il s’agit là de plus des deux tiers du budget de l’enseignement supérieur en Tunisie?
50 000 ingénieurs : comment optimiser l’utilisation de ce chiffre?
Aujourd’hui, il convient d’utiliser un tel atout dans les négociations avec nos partenaires. C’est du gagnant-gagnant : si vous voulez que la Tunisie fonctionne comme un centre de formation pour vous, il faut nous faire un retour sous forme d’investissement pour un montant équivalent, même sur plusieurs années. Cela peut prendre la forme d’un investissement dans nos universités publiques, permettant l’amélioration de leur output qui va servir aussi bien pour notre économie que pour les leurs. La semaine dernière, le constructeur automobile PSA a signé un partenariat avec l’école de commerce marocaine ISCAE, afin de former les manager qui développeront ses marques dans le Royaume. C’est un cas d’exemple pour nous, car la qualité de nos diplômés sert d’argument pour attirer les investisseurs étrangers.
Un tel montant peut aussi servir, en partie, à améliorer la situation des enseignants supérieurs dont une bonne partie est en grève depuis le mois de janvier. De plus, cela va permettre d’attirer des étudiants étrangers qui peuvent nous apporter des montants respectables en devises. Les universités privées tunisiennes sont en train de facturer entre 15 000 et 20 000 € pour le cursus d’ingénieur. Si la qualité de notre offre de formation se dégrade suite au départ massif du cadre enseignant, nous ne pouvons plus figurer sur la liste des destinations de formation préférées des Africains aisés.
L’investissement peut également être orienté vers nos établissements de santé publique qui sont en train de produire d’excellents médecins et qui sont aujourd’hui à bout de souffle.
Est-ce que cette méthode de négociation est nouvelle ? Non en fait. Il est légitime que chaque pays exploite ses atouts. Prenons le cas du Kenya qui améliore ses infrastructures grâce à ses athlètes. Le pays a accepté de transférer deux de ses champions au Qatar en contrepartie de la construction d’une piste d’athlétisme! Il faut donc oser et frapper fort avec les différents pays qui ne ratent pas la moindre occasion pour nous mettre dans le coin. Utilisons alors nos avantages, si petits mais si précieux, pour faire fonctionner le pays.