Les jeunes médecins tunisiens se préparent actuellement pour mener des actions de protestation, affirme à leconomistemaghrebin.com le vice-président de l’Organisation tunisienne des jeunes médecins, Aymen Bettaib.
Prochainement des assemblées générales de l’organisation se tiendront pour préparer la feuille de route des actions de protestation affirme le vice-président de l’association et une grève pourrait être décrétée début juin. Cette grève sera annoncée pour contester l’ajout d’une période de stage illégale et supplémentaire de deux mois pour les internes et résidents. Il a rappelé que les jeunes médecins tunisiens ont mené des grèves durant les mois de février et mars pour un certain nombre de revendications. Cette prise de position est causée par le refus du ministère de la Santé d’appliquer les articles d’un accord conclu avec l’organisation sur leurs revendications.
Les revendications des jeunes médecins tunisiens
La première revendication est relative au statut qui régit les devoirs, les droits et les tâches des jeunes médecins (internes et résidents). Notre interlocuteur a affirmé que ce statut contient des articles obsolètes qui n’ont pas été révisés depuis 1976. Depuis 2012, les jeunes médecins ont mené des protestations pour la révision du statut et «à chaque fois le ministère signe un accord et n’honore pas ses engagements», regrette-t-il.
La deuxième revendication des jeunes médecins tunisiens est relative au service civil, continue notre interlocuteur. Aymen Bettaib a tenu à rappeler que le service militaire est un devoir pour tous les Tunisiens. Le service militaire se fait de trois façons : passer une année de service militaire, une affectation individuelle et faire un service civil. En ce qui concerne le service civil, puisque l’Etat manque de médecins, le ministère de la Défense peut mobiliser les médecins pour travailler une année civile à la place du service militaire.
Le problème, est que depuis 2010, la loi a été revisitée. Pour le vice-président de l’organisation, cette loi n’est appliquée qu’aux médecins. «Après avoir terminé le processus de spécialisation, les médecins sont convoqués par le ministère de la Défense pour faire le service militaire, les exemptions pour cause de santé sont très difficiles à obtenir. Les médecins sont obligés de faire leur service civil. La différence entre médecins et le reste des Tunisiens c’est au niveau des critères d’exemption, et dans le fait que les médecins font donc obligatoirement leur service civil sauf s’ils dépassent 35 ans ou s’ils ont des maladies graves » avance notre interlocuteur.
La convention a subi trois révisions sur ce sujet, deux en 2017 et une le 24 mars 2018, mais sans aucun décret d’application. Pire encore, le ministère de tutelle ne veut plus de cet accord. Enfin, l’accord parle d’une commission qui va revisiter la liste des jeunes médecins concernés par l’année civile, cependant rien n’a été fait à ce jour.
La réforme du système des études médicales est aussi un autre souci majeur pour les jeunes médecins tunisiens. Le ministère de tutelle a commencé la réforme sans concertation ni avec les enseignants universitaires, ni avec les étudiants, d’après notre interlocuteur. D’ailleurs, une autre réforme a été faite en 2015 engendrant de grands problèmes. «À cause de cette réforme, le diplôme d’étude en médecine est pris en otage. Le diplôme de docteur en médecine n’est remis qu’après le troisième cycle en médecine, contrairement à d’autres pays où après le deuxième cycle l’étudiant récupère son diplôme. A cause de cette démarche, plusieurs jeunes médecins tunisiens n’ont pas pu faire de stages à l’étranger», explique-t-il. Et de continuer: «Normalement on obtient notre diplôme de docteur en médecine juste après la soutenance. Mais depuis la réforme de 2015, même si on soutient la thèse, on ne peut l’obtenir qu’après la fin de notre spécialité (ce qui n’est pas le cas dans la majorité des pays comme les USA, Canada, Allemagne, etc.). Et ils ont même voulu faire passer une nouvelle réforme en 2017 qui supprime ce diplôme de docteur en médecine».
Par ailleurs, la médecine de famille n’est ni une médecine générale, ni une médecine de spécialisation. Dorénavant tous les étudiants sont obligés de faire une spécialité, car la médecine de famille va devenir une spécialité de trois ans ( pour le moment, elle est de deux ans). Le jeune médecin considère que c’est une «aberration». En 2017, le ministère a voulu faire une autre réforme d’une manière unilatérale. En décembre 2017, un préavis de grève a été envoyé suite auquel les jeunes médecins ont pu obtenir une copie du projet de loi relatif à cette réforme, leurs remarques ont été envoyées à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), au Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) et aux enseignants pour en montrer les défaillances. «Tout le monde était unanime sur le fait qu’il ne fallait pas l’adopter», affirme-t-il. Plus tard, une grève de sept semaines a été menée contre les tentatives de faire passer le projet de loi tel qu’il est.
Notre interlocuteur a affirmé que l’égalité salariale n’est pas respectée entre les jeunes médecins tunisiens et étrangers en Tunisie, malgré le fait qu’ils accomplissent les même tâches. D’après lui, les jeunes médecins étrangers perçoivent le tiers du salaire d’un Tunisien. «C’est une forme d’esclavage moderne», regrette-t-il.
Sur un autre volet, il a affirmé que le ministère n’a pas appliqué la progressivité aux retenues sur salaire des grévistes.
En conclusion, il affirme que le projet de réforme des études médicales actuel ne répond pas aux standards internationaux du World Federation for Medical Education (WFME), ce qui risque d’avoir des répercussions négatives sur le classement des facultés de médecine de Tunisie, notamment sur leurs accréditations. Les jeunes médecins tunisiens semblent avoir entamé un long parcours du combattant.
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