Le chef du gouvernement Youssef Chahed s’est finalement décidé à contre-attaquer. Dans son intervention télévisée dans la soirée du mardi 29 mai, il s’est déchargé de ce qui lui pesait depuis des mois sur le cœur. A la fin de son mini-discours, il devait se sentir soulagé, le cœur léger, une sensation de confort que ressent celui qui s’est déchargé d’un lourd fardeau qui lui a pesé longtemps sur les épaules.
Sa décision de mettre enfin les points sur les ‘i’ avec son ex-ami Hafedh Caïd Essebsi a peut-être tardé un peu. Mais toute clarification, même tardive, est bonne. Les choses sont maintenant claires : Youssef Chahed pointe du doigt Hafedh Caid Essebsi et ceux qui l’entourent qu’il accuse de détruire Nidaa Tounes en lui faisant perdre sa réputation, sa vitalité, sa popularité et ses électeurs.
Chahed a fait sa mise au point, mais il n’a rien appris à personne. Car « HCE, destructeur de Nidaa Tounes et un danger pour le pays » est un thème débattu depuis longtemps dans les médias, les réseaux sociaux et au Café du Commerce. Cela dit, le chef du gouvernement aurait gagné plus d’estime et aurait élargi le cercle de ses partisans et de ses défenseurs s’il était allé jusqu’à reconnaître sa responsabilité dans le hold-up de HCE sur Nidaa Toues et s’en était excusé. En effet, Youssef Chahed fut l’un des acteurs actifs du fameux congrès de Sousse qui avait ouvert la voie au fils pour faire main basse sur l’œuvre du père.
Mais si Chahed a rompu radicalement avec le fils, il a pris soin de maintenir intact le cordon qui le lie au père à « la sagesse » duquel il a rendu hommage. Reste à savoir si le président de la République a le désir, le loisir et la force de ménager la chèvre et le chou, de garder de bons rapports à la fois avec le fils et avec le dauphin.
En rompant radicalement avec le fils, Youssef Chahed a mis le père dans un grand embarras. Si celui-ci se range à côté de son fils, il ne fera qu’accroître son impopularité et précipiter l’écroulement de ce qui reste de Nidaa Tounes. S’il se range à côté du dauphin, il risque d’ouvrir la voie à des tensions familiales. La situation dans laquelle se trouve le président est peu enviable. Il ne peut plus louvoyer comme il le faisait jusqu’ici, en feignant de croire et en tentant de faire croire implicitement que les intérêts de la famille et de la patrie ne sont pas antinomiques et que celle-là est au service de celle-ci et non le contraire.
Reste à s’assurer que la guerre ouverte que le chef du gouvernement a décidé d’engager avec le directeur exécutif de Nidaa Tounes ne va pas le distraire des dossiers brûlants qui se trouvent sur son bureau et qui ont pour noms comme il l’a dit lui-même : caisses de sécurité sociale, entreprises publiques et masse salariale. Et là, et bien que le Secrétaire général de l’UGTT fût, avec HCE, le plus grand opposant au maintien de Chahed à la tête du gouvernement, celui-ci lui fit un clin d’oeil en l’informant directement qu’il recevra bientôt, avec les autres acteurs de la société civile, une invitation au Conseil de dialogue national qu’il s’apprête à mettre en place dans les prochains jours.
Sur un ton ferme et sincère, Youssef Chahed a promis qu’il continuera à assumer ses responsabilités tant qu’il a la possibilité de le faire. L’intérêt supérieur de la nation exige que cette possibilité lui reste offerte. Il exige également un consensus sur les trois dossiers brûlants susmentionnés et une stabilité gouvernementale pour leur traitement avec efficacité.
Aucun pays au monde ne volera à notre secours pour sauver notre pays du naufrage. Le sauvetage est notre responsabilité, et c’est à nous et à nous seuls qu’il revient de mener notre pays à bon port ou de le laisser à la dérive avec le risque de plus en plus élevé de le voir irrémédiablement englouti.
Nous sommes au bord du gouffre et il sera extrêmement difficile d’éviter le fatal pas en avant si l’UGTT s’accroche obstinément à sa manie de tracer des lignes rouges, ou si elle décide de quitter les enceintes de dialogue et de porter la bataille dans la rue. La déclaration de Noureddine Tabboubi le jour de la suspension du document de Carthage 2 dans laquelle il soutenait que « plus rien n’engage l’UGTT », ne présage rien de bon.
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