Près de trois ans après l’attaque terroriste de Daech au cœur du complexe touristique de Sousse, le secteur touristique semble sortir du long tunnel dans lequel il était plongé depuis 2011. Les signaux positifs se multiplient et laissent entrevoir une reprise de la fréquentation touristique. La plupart des grands tour-opérateurs et des agences de voyages européens font leur retour. Dans un contexte macroéconomique toujours aussi morose, une telle information mérite d’autant plus d’être signalée.
La tendance, si elle devait se confirmer, serait d’autant plus importante pour le redressement du pays que ce secteur demeure l’un de ceux qui pèsent le plus dans la vie économique et sociale nationale: pourvoyeurs de près de 500 000 d’emplois, le tourisme représente grosso modo 7 à 8 % du PIB de la Tunisie et constitue une manne salutaire en devises…
Même si l’ensemble des activités touristiques de la rive sud de la Méditerranée a été affecté par les conséquences des soulèvements populaires nés en 2011, le secteur touristique en Tunisie a fortement pâti de la série d’attentats et de l’instabilité politique et sociale. Au lendemain du 14 janvier 2011, les voyagistes européens, et en particulier les tour-opérateurs français, ont fait face à un mouvement massif d’annulations ou de reports de séjours de touristes.
Selon les chiffres 2013, le nombre de nuitées touristiques a baissé entre 2010 et 2013 de plus de 15% (de 35,5 millions de nuitées à 30 millions). La vague d’attentats qui a frappé le pays a renforcé la chute du secteur, avec 5,3 millions de touristes en 2015. L’année 2017 marque l’amorce d’une reprise avec le chiffre de 6,73 millions de touristes qui ont séjourné en Tunisie, toujours selon les chiffres du ministère du Tourisme. La désertion des touristes d’Europe de l’ouest en général et des français en particulier- partiellement compensée par les Algériens et les Russes- semble prendre fin.
Le secteur touristique face à des problèmes structurels
Toutefois, au-delà des tendances conjoncturelles, le secteur touristique est confronté à des problèmes structurels. Ces derniers sont liés au modèle du tourisme de masse imposé par le président Bourguiba et dont l’ancien régime de Ben Ali a accentué les dérives symbolisées par le développement anarchique de l’activité… Un tourisme de masse à 80% balnéaire fondé sur le triptyque gagnant- soleil, mer et plage- du moins à court terme… Ce modèle est particulièrement consommateur d’eau, concentré sur l’île de Djerba et les côtes du nord-est, caractérisé aujourd’hui par le vieillissement des infrastructures, l’inadéquation de l’offre avec les nouvelles attentes de la clientèle européenne, l’endettement des hôteliers…
Il ne faudrait pas que la reprise qui se dessine empêche les acteurs publics et privés concernés de faire évoluer le modèle du tourisme de masse. Dès lors, la question de savoir « quel tourisme » veulent les Tunisiens est foncièrement légitime, car elle pourrait impulser un nouveau modèle de développement. La Tunisie est confrontée au double défi : améliorer la qualité des prestations touristiques (et ainsi permettre à l’hôtellerie de monter en gamme) tout en développant et diversifiant les offres alternatives au tourisme de masse. Il convient en effet de réduire la part du « tourisme bon marché », y compris par le développement d’une offre hôtelière de plus grande qualité- sur le plan des services et des infrastructures- susceptible d’attirer une clientèle étrangère plus aisée, mais plus exigeante aussi. Or les initiatives publiques et privées restent modestes en la matière, les investisseurs privés étant encore trop habités par le modèle du tourisme de masse. En outre, la qualité de l’accueil et des services demeure un enjeu d’actualité et devrait susciter une politique de labellisation exigeante de la part des professionnels du secteur (à l’initiative de l’autorité publique ou du moins avec son soutien).
La rénovation du modèle de développement suppose aussi de se donner les moyens de promouvoir les régions situées à l’intérieur du pays (telles que le Kef, au nord), le patrimoine culturel (tels le site archéologique de Carthage, la Grande Mosquée de Kairouan ou la cité punique de Kerkouane), le « tourisme vert » ou l’écotourisme (avec une meilleure exploitation des parcs nationaux et un développement des gîtes ruraux) et le tourisme saharien. La perspective d’un changement climatique représente un défi majeur pour ce secteur confronté à des problèmes aigus en matière de consommation et de gestion de l’eau et d’énergie. Le tourisme durable est l’avenir de ce secteur. Il en va même de sa pérennité…