Finalement, Trump et Kim se sont rencontrés, se sont donné de chaleureuses poignées de mains et se sont souri tendrement, après s’être injuriés copieusement:
» – Je me sens vraiment bien. Nous allons avoir une grande discussion et ce sera un succès immense. Je pense que ce sera vraiment un succès et, je n’ai aucun doute là-dessus, nous allons avoir une relation formidable », a affirmé le président de « la plus grande démocratie du monde », en tendant la main à son ex-ennemi intime, son cadet de trente ans.
« – Ce n’était pas facile de venir ici. Il y avait des obstacles, mais nous les avons surmontés pour être ici », a répondu le président de « la plus grande dictature du monde », en saisissant la main que lui tendait son interlocuteur.
C’est par ces quelques phrases banales et anodines qu’a commencé la rencontre américano-nord-coréenne qui, il y a quelques semaines, était hautement improbable. Mais, avec Donald Trump, le monde est déjà habitué à l’idée qu’il est difficile de distinguer entre le possible et l’impossible, le probable et l’improbable, le rationnel et l’irrationnel.
Cela dit, la rencontre Donald Trump-Kim Jung-un a duré 40 minutes en tête-à-tête avant de s’élargir aux deux délégations. La rencontre entre les deux ennemis a abouti à la signature d’un texte consignant les intentions des deux parties: disposition de Kim à procéder au désarmement nucléaire, et de Trump à aider économiquement la Corée du nord. C’est ce que le président américain appelle « un grand succès ».
Réactions internationales à la rencontre Donald Trump-Kim Jung-un
La Russie a réagi avec un optimisme très modéré en mettant en garde sur le fait que « le diable réside dans les détails », allusion aux évidentes difficultés qui attendent les négociateurs chargés de mettre au point un accord qui mettrait un terme à la guerre non déclarée qui oppose depuis 70 ans Pyongyang à Washington.
L’Iran a réagi avec persiflage, mettant en garde Kim-Jung-un sur le peu de crédibilité des accords signés par l’Amérique.
Enfin, et c’est un secret de polichinelle, la Chine, principal allié et soutien de la Corée du nord, est très active dans les coulisses et il est hors de question qu’elle laisse l’allié nord-coréen signer un accord avec Washington, s’il n’est pas acceptable par Pékin. Et quand on sait le volume faramineux de différends de toutes sortes qui séparent la Chine et les Etats-Unis et leur intense rivalité pour le leadership mondial, il est facile de se rendre à l’évidence qu’un accord américano-nord coréen ne dépend pas seulement de la volonté du vieux et instable président américain et du jeune et fougueux président nord-coréen, nonobstant le caractère d’ « événement planétaire » qu’a pris la rencontre du 12 juin à Singapour.
En écoutant les incitations et les promesses de Trump qui plaidait pour la dénucléarisation de la Corée du nord, Kim Jung-un ne pouvait pas ne pas avoir présentes à l’esprit les volte-face de son interlocuteur à l’égard de l’accord sur le climat, de l’accord nucléaire iranien et même à l’égard de l’accord du G7 qui venait d’être signé au Canada et que Trump a renié quinze minutes après l’avoir signé, tout en se déchainant violemment et gratuitement contre le Premier ministre canadien. Surtout, Kim ne pouvait pas ne pas avoir présent à l’esprit le sort de la Libye et de son chef d’Etat, Kadhafi, peu de temps après que celui-ci s’est débarrassé de tout son armement non conventionnel qu’il a envoyé sur un navire en direction des Etats-Unis comme l’exigeaient les décideurs de ce pays…
Contrairement à Kadhafi qui était alors désespérément seul et n’avait aucun soutien, Kim aujourd’hui est fort du soutien des deux grandes puissances, la Chine et la Russie, mais fort aussi et surtout de son arsenal nucléaire et de sa capacité balistique capable d’atteindre le territoire américain. Difficile d’imaginer Kim Jung-un se dessaisir de sa carte maîtresse rien que parce que Trump, après l’avoir copieusement insulté, a daigné lui serrer la main et feint l’amabilité de lui donner une tape amicale sur le dos.
En un mot, Kim ne renoncera jamais à son arsenal nucléaire, alors que les Etats-Unis garderont, eux, de quoi détruire plusieurs fois la Terre, sans parler de leur enfant gâté, Israël, qui possède, lui, de quoi détruire plusieurs fois le Moyen-Orient.
La seule chose concrète de cette rencontre est la promesse de Trump d’arrêter les manœuvres militaires avec la Corée du sud qu’étonnamment il a qualifiées d’ « extrêmement provocatrices pour la Corée du Nord ». Mais ni Trump ne sera embarrassé, ni le monde étonné, si celui-là décide demain ou après demain que les manœuvres avec Séoul reprendront comme d’habitude.
La vraie paix dans la péninsule coréenne ne se réalisera pas à coups d’événements mondiaux surmédiatisés, mais le jour où les Etats-Unis retireront les trente mille soldats déployés depuis…70 ans en Corée du sud et arrêteront de s’opposer aux tentatives de rapprochement entre les frères coréens. Sans les obstacles dressés, les interdits formulés et les lignes rouges tracées par Washington, les deux Corées se seraient réunifiées depuis bien longtemps.