« Nous traitons les informations sans précipitation. Le recours à la justice n’est pas systématique. Nous procédons d’abord à une analyse objective, et s’il y a suffisamment de preuves solides, on ouvre une enquête ». Les propos sont de Ghazi Jribi ministre de la Justice et ministre de l’Intérieur par intérim ; ils font suite à l’article du journaliste français Nicholas Bau paru sur le site web d’investigation et d’opinion « Mondafrique », et qui a laissé entendre qu’un putsch planifié par l’ancien ministre de l’Intérieur Lotfi Brahem avec la complicité des Emiratis, était en préparation.
La jeune démocratie tunisienne en danger, et il suffit pour cela de voir avec quelle célérité, les autorités ont réagi, et ce, sur la seule base d’une information relayée par les médias. Quand on compare avec la nonchalance observée dans le traitement des assassinats des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, on voit bien qu’il y a une volonté délibérée de tout mettre en œuvre pour que les deux crimes restent impunis ; malgré les preuves avérées de l’implication d’un parti influent au pouvoir.
Comparez avec le retard enregistré dans la conduite des affaires de terrorisme dans lesquelles sont impliqués des membres d’organisations terroristes, et vous aurez devant vous la totalité du décor et du complot qui se trame en coulisses. Là où on se déclare prêt à ouvrir immédiatement une enquête s’il y a des preuves solides, ailleurs, on fait la sourde oreille, alors que les preuves sont irréfutables.
L’article de Nicholas Bau, presque une affaire d’Etat tant que cela arrange les affaires d’Ennahdha. Et si Lotfi Brahem était le coupable idéal ? Il est vrai que tout le monde ne s’appelle pas Ghannouchi, Essebsi ou encore Chahed… Comme il est vrai qu’un modus operandi à la Ben Ali serait pire que toutes les formes de terrorisme réunies ; et épouvantail pour épouvantail, le diable ne peut se nicher que dans l’ancien régime… Et puis, pourquoi le nier : entre porteurs et marmitons, Ennahdha qui n’en est pas à un lâchage près, a décidément la baraka ; et ce ne sont pas les victimes expiatoires qui manquent ; après les Marzouki, Ben Jaafar, Mehdi Jomaa, Habib Essid, voici venu le temps de Youssef Chahed qui fait de la résistance ; pas question qu’on le jette comme un malpropre.
Dans le même temps, quelqu’un comme Hamadi Jebali coule des jours heureux avec des incursions politiques furtives pour bien rappeler qu’il est toujours là ; il aura eu au moins le mérite de démissionner quand cela s’est avéré nécessaire. Ali Laarayedh lui, continue de légiférer en toute tranquillité. Pourtant, entre Lotfi Brahem et lui, y a pas photo. Mehdi Jomaa en ce qui le concerne, attend d’être une alternative crédible.
Quand à Habib Essid, qui s’en rappelle encore si ce n’est pour dire que son successeur risque de mordre comme lui la poussière ? Comme si un mauvais sort lui a été jeté. Lotfi Brahem l’éradicateur éradiqué ? Il faudrait le demander à celui qui a plus d’un tour dans son sac, Rached Ghannouchi ; le démolisseur, c’est lui. Qu’un Nagem Gharsalli dont on dit qu’il est proche de Montplaisir, soit en cavale, on s’en accommodera. Après tout, pourquoi s’en étonner, quand on sait que dans le pays, c’est la politique du deux poids deux mesures qui prime ?
Au stade où en sont les choses, je ne sais pas si pour M. Brahem, c’est un simple au revoir ou un adieu. Les paris sont en cas lancés, et pour le ministre renvoyé, ce ne sont pas les supporteurs qui manquent. En attendant, il aura à sa charge de dire qu’il a été un fidèle serviteur de l’Etat. Tenez l’intérieur et l’armée, et vous aurez le pays tout entier ; nos islamistes maison l’ont bien compris et restent les maîtres du jeu. Et quand le besoin se fait sentir, on fait une brève une escapade chez le grand frère Erdogan pour charger les batteries et revenir à ses bases plus confiants que jamais. Sinon, la fraternité islamique ça sert à quoi ? N’est pas bison futé qui veut ! Et si ce projet de coup d’Etat était une pure invention ? Cela dit, après la révolution politique, et en attendant la révolution socio-économique tant rêvée, voici venu le temps de la révolution culturelle annoncée en grandes pompes un certain 13 août 2017 par le président de la République, et mise en forme par Bochra Belhaj Hmida nommée à la tête de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité voulue par le chef de l’Etat ; cette dernière vient de rendre public son rapport, et je peux vous dire que ça va chauffer ; et s’il y a quelqu’un qui est directement concerné, c’est bien Lotfi Brahem, qui a montré un zèle certain dans l’application de la circulaire Mzali interdisant l’ouverture des cafés et des restaurants durant le jeûne ; la commission propose son annulation pure et simple et ce, sur la base d’une disposition de la Constitution qui garantit la liberté de conscience.
Notre Passionaria des droits de l’Homme et des libertés est en première ligne et ce ne sont pas les sujets qui fâchent qui manquent, comme au bon vieux temps du Code du Statut Personnel !