L’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis ont commencé à bombarder le Yémen en mars 2015, dans le but de ramener au pouvoir l’ancien président Abd Rabbou Mansour Hadi. Hadi a été déposé après qu’un groupe rebelle, communément connu sous le nom des Houthis, a pris d’assaut la capitale en 2014.
L’administration Obama avait à l’époque fermement soutenu la coalition menée par les Saoudiens, en fournissant les renseignements et en vendant toutes sortes d’armements dont les contrats sont évalués en dizaines de milliards de dollars. L’aide américaine s’est poursuivie même quand la coalition s’est acharnée non seulement contre la population civile, mais aussi contre les écoles, les hôpitaux, les cérémonies de mariage et les funérailles.
Après plus de trois ans de guerre, le Yémen se trouve aujourd’hui confronté à la pire crise humanitaire au monde. Selon les Nations unies, 22 millions de personnes – les trois quarts de la population du pays – ont un besoin urgent d’aide humanitaire.
Le pire tant redouté par les organisations humanitaires a fini par arriver : les forces d’agression soutenues par les Etats-Unis ont lancé un assaut sur le port de Hodeidah par où transitent de 70 à 80% de la nourriture, des médicaments et de l’aide humanitaire destinés aux Yéménites.
Il est évident qu’une telle catastrophe humanitaire n’aurait jamais eu lieu, si les Saoudiens et les Emiratis n’avaient pas bénéficié du feu vert de Washington. Selon le journal américain en ligne, « The Intercept », quand, en 2016, la Maison-Blanche a appris que les Emirats Arabes Unis voulaient attaquer le port de Hodeidah, Susan Rice, alors conseillère à la sécurité nationale d’Obama, a personnellement appelé le prince héritier Mohammed bin Zayed et lui a dit que les Etats-Unis ne soutiendraient pas l’offensive. Les Emiratis avaient alors fait marche arrière. (https://theintercept.com/2018/06/16/yemen-foreign-policy-united-states/)
On se demande pour quelle raison l’administration Trump a donné son feu vert pour l’aggravation de cette crise humanitaire? Quel intérêt a la plus grande puissance du monde à voir des millions de Yéménites succomber, victimes de la faim et de la maladie ? Le Secrétaire d’Etat de Trump, Mike Pompeo, a juste recommandé aux Saoudiens et aux Emiratis de «ne pas endommager les infrastructures routières et portuaires de Hodeidah».
Recommandation appliquée à la lettre puisque les forces d’agression ont commencé leurs attaques en bombardant la route reliant Hodeidah à Sanaa avec pour objectif d’empêcher l’arrivée des renforts houthis au port convoité.
Le plus étonnant est que le Conseil de sécurité a rejeté un projet de résolution de la Suède demandant un cessez-le-feu à la ville portuaire de Hodeidah. Les Etats-Unis et la Grande- Bretagne ont voté contre. Le Conseil de sécurité, qui a rejeté le cessez-le-feu, n’a pas eu peur du ridicule en se contentant d’un texte dont on ne sait trop si c’est le cynisme ou le ridicule qui l’emporte : «Le Conseil appelle à la retenue et exhorte toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international»…
La question qui se pose est en quoi ces appels à la retenue et les exhortations de la bureaucratie new-yorkaise vont-ils aider le Comité International de la Croix-Rouge et les autres organisations humanitaires à faire face aux besoins les plus urgents d’une population de 600.000 civils soumis aux bombardements et au blocus ?
Les Emiratis prétendent que l’attaque contre le port de Hodeidah vise à priver les Houthis de revenus mensuels s’élevant à 30 millions de dollars en taxes portuaires, ce qui devrait les forcer à négocier.
Mais il y a une autre explication plus convaincante. Comme on l’a précisé plus haut, cela fait longtemps que les Emiratis voulaient s’emparer de ce port vital et de sa position stratégique sur la Mer Rouge. C’est conforme à leur stratégie globale de domination portuaire : en 2015, ils ont saisi la ville portuaire d’Aden dans le sud du pays. En 2016, ils ont repris la ville de Mukalla et ont ensuite remonté la côte de la Mer Rouge, reprenant la ville portuaire de Mokha l’année dernière. Quand on sait les gains faramineux qu’assure la gestion portuaire, quand on a en tête les investissements massifs des Emiratis dans les grands ports du monde, on ne peut pas s’étonner de l’ardeur que mettent les Emiratis à «libérer» Hodeidah, mais on ne peut pas les croire quand ils disent le faire «pour obliger les Houthis à négocier».
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