« La conscience parle, mais l’intérêt crie » (John Petit-Senn ; Bluettes et boutades, 1846). Est-ce à dire que les acteurs politiques tunisiens font désormais valoir les intérêts sur la conscience?
Depuis le changement du régime, défini comme « révolution » démocratique, nous sommes au carrefour de la bifurcation des lignes de temps et du changement de réalités.
Les anciennes lignes de temps s’effondrent et il n’y a pas de retour possible. La transition a été marquée par une confrontation entre les partisans du repli identitaire, activant un « contentieux historique », le mouvement socio-libéral, défendant les acquis, et les marchands d’illusions, dans les marges de la gauche et de la droite. Depuis lors, le jeu politique différait, dans une large mesure, la bipolarité ou plutôt la refaisait vivre dans l’underground, depuis l’alliance des extrêmes.
Le jeu politique a été inauguré par la direction proclamée de Nidaa Tounes, contre le chef du gouvernement, dont elle réclama le départ. L’offensive a été soutenue par la centrale syndicale, faisant valoir les attentes des citoyens. En réponse, le chef de gouvernement attaqua la direction actuelle de Nidaa Tounes, dont il est issu. la confusion idéologique, le soutien, dont il bénéficia, auprès d’Ennahdha suscita, ce que ses adversaires appellent, un alignement sur ses positions.
L’exclusion du ministre de l’Intérieur, dont les réussites dans le combat contre le terrorisme furent saluées par l’Establishment, resta inexplicable. Fût-il démenti, par le premier ministre lui-même, le discours sur un pseudo complot, perturba la classe politique. Un pseudo complot en cache-t-il un autre? Des politiciens n’hésitèrent pas à l’affirmer, à l’appui de la destitution de 24 responsables de la Garde nationale, dans le suivi du départ du ministre de l’Intérieur. S’agit-il d’un acte d’allégeance au parti, désormais allié?
La population tunisienne, préoccupée par la précarité, le chômage et la baisse du pouvoir d’achat se désintéresse de ces manœuvres. Elle attend plutôt des actes socio-économiques et s’inquiète du lourd endettement, des dépenses excessives de l’Etat, de l’absence de vision. Geste de salut public, les différentes composantes du pouvoir et les partis doivent se mettre à l’écoute du citoyen, prendre acte de ses attentes et de ses rêves, assumer ses ambitions légitimes. Le désintérêt de la réussite de sept étudiants à l’examen de fin d’études de l’Ecole polytechnique de Paris et l’occultation de nos gloires sportives, surprennent, inquiètent et nourrissent des colères.
« Aucune situation n’est désespérée. Il n’y a que des personnes qui désespèrent des situations. » Prenons acte de ce dicton optimiste pour un retour de la conscience collective, au profit d’une sauvegarde de l’esprit de la révolution, de la prise en compte des attentes et de la dénonciation des manœuvres et des dérives, qui sont mis à l’ordre du jour.