Ezzeddine Saidane ne manque pas de s’exprimer, après le démenti du ministère des Finances concernant ses propos sur le recours par l’Etat à de la création monétaire. Ainsi le démenti ne vient pas clore la polémique sur le paiement des salaires du mois de juin des fonctionnaires. Ezzeddine Saidane a réagi au communiqué du ministère sur les colonnes de leconomistemaghrebin.com
Ezzeddine Saidane : »Le démenti est une confirmation de mes propos », soutient-il. A cet égard, il a rappelé que l’endettement de la Tunisie est en train d’augmenter à un rythme accéléré. Il est passé de 25 milliards de dinars en 2010 à 75 milliards de dinars actuellement, soit un triplement. En termes de pourcentage du PIB, la Tunisie est passée d’un taux d’endettement de 40% en 2010 à 72% du PIB actuellement. L’endettement public se décompose en 30% de dettes locales en dinars tunisiens et 70% en devises.
Comment l’Etat tunisien s’endette-t-il en dinars?
À cette question l’expert précise que l’Etat s’endette auprès des banques tunisiennes. Les banques prêtent à l’Etat et se refinancent complètement auprès de la Banque centrale de Tunisie. Pour lui, les fonds que la BCT prête aux banques sont de la création monétaire pure et dure et donc de la planche à billets. «La Banque centrale est en train de financer le budget de l’Etat par de la création monétaire ex-nihilo, ce qui est de nature à alimenter l’inflation», met-il en garde.
Pour argumenter ces propos, notre invité a rappelé que l’encours actuel d’emprunt de l’Etat auprès des banques tunisiennes est supérieur à 21 milliards de dinars sur lesquels 15 milliards de dinars ont été refinancés par la BCT. «Le refinancement de la Banque centrale était négatif en 2010. Il y avait un surplus de liquidité de l’équivalent d’à peu près 1 milliard de dinars, mais maintenant on est passé à un déficit de liquidité de 15 milliards de dinars et donc c’est la planche à billets qui fonctionne», explique-t-il
Ezzeddine Saidane n’y va pas de main morte
Ezzeddine Saidane a rappelé que: « La Banque centrale crée la monnaie sous deux formes, à savoir la forme fiduciaire, c’est-à-dire en imprimant des billets et en frappant des pièces de monnaies. » La quantité en circulation actuellement est légèrement supérieure à 12 milliards de dinars alors qu’elle était de 6 milliards de dinars en 2010. La deuxième forme est la monnaie scripturale « quand la banque centrale prête aux banques, elle ne va pas imprimer les billets mais elle va accréditer leurs comptes sans contrepartie », dit-il.
Le spécialiste a indiqué que cette situation est, entre autres, à l’origine de l’inflation. « Lorsque la Banque centrale refinance les banques à hauteur de 15 milliards de dinars ce n’est pas pour financer l’économie, mais pour financer le budget de l’Etat, surtout que 45% des dépenses de l’Etat sont des salaires », affirme-t-il.
Et de rappeler qu’en date du 7 mars 2018, l’Etat a emprunté près de 600 millions de dinars auprès des banques et que la Banque centrale a refinancé le même montant à la même date. « C’est bel et bien de la création monétaire, mais pas sous forme de billets de banque », confirme l’économiste.
Puis, le 10 avril 2018, l’Etat a emprunté aux banques 475 millions de dinars sur trois mois seulement qui ont été refinancés par la Banque centrale le jour même. Et d’affirmer que le même scénario s’est répété au mois de juin pour faire plaisir au gouvernement qui voulait payer les fonctionnaires le 13 du mois au lieu du 24 ou 25 du mois.