L’information est passée inaperçue, pourtant elle est importante : le désinvestissement d’un géant mondial du monde de l’assurance en Tunisie. Il s’agit du géant italien Generali.
Deux communiqués de franchissement de seuil à la baisse dans le capital de Maghrebia et de Maghrebia Vie ont été publiés sur le site de la Bourse de Tunis jeudi 21 juin, avant d’être suivi par deux autres annonces de franchissement de seuil à la hausse au profit de l’UFI Group. Côté italien, rien n’a filtré. Il faut dire qu’il s’agit que d’une toute petite opération qui ne représente pas grand chose pour le lion de Trieste.
Cette annonce n’est pas une surprise en elle-même. L’assureur italien a annoncé depuis l’arrivée du nouveau management, le français Philippe Donnet, son intention de quitter 15 pays où la présence de la compagnie est faible, pour se concentrer sur ses marchés traditionnels, à savoir l’Europe et l’Asie.
Il faut dire que l’ensemble du marché de l’assurance en Tunisie, avec un chiffre d’affaires qui vient de dépasser le seuil de deux milliards de dinars pour la première fois (2,080 milliards de dinars exactement), ne représente que 0,78% du chiffre d’affaires de Generali !
Un mauvais signe
Ce désinvestissement est un message à tous les grands acteurs de l’assurance du potentiel de croissance limité en Tunisie. Il ne faudra donc pas s’attendre à voir d’autres gros acteurs internationaux venir faire des acquisitions durant les prochaines années.
Nous avons également perdu la possibilité de bénéficier d’un transfert de savoir-faire qui aurait pu améliorer l’offre du secteur. Le développement des produits d’épargne est l’une des clés de succès pour l’assurance-vie, et nous constatons que l’offre existante est classique et standard. Generali est l’un des principaux acteurs qui font de l’innovation avec sa présence parmi les 15 membres de l’initiative B3i, un registre distribué pour les opérations de réassurance sur base de la technologie blockchain.
Rendre le secteur attractif
Nous avons certainement besoin d’acteurs étrangers dans le paysage de l’assurance-vie en Tunisie. Mais pour cela, il faut que les produits changent. La tendance est pour les produits qui consomment peu de fonds propres, en particulier les unités de compte.
Les rendements de ces produits sont indexés sur ceux du marché. Ainsi, il n’y a plus le besoin de constituer des provisions pour assurer le paiement du rendement minimum garanti inclus dans le contrat. Or, dans notre cas, le développement de l’industrie nécessite plutôt une offre qui garantisse un rendement minimal pour attirer le maximum de souscripteurs. Dans un environnement de taux haussier comme celui que connaît la Tunisie, il est plus que jamais nécessaire de promouvoir ces produits.
Il faut également permettre à nos assureurs d’aller chercher le développement à l’étranger. Aujourd’hui, il faut qu’on ait des champions régionaux puisque la consolidation locale est une question quasi-impossible. La taille des compagnies est également importante afin de disposer d’actifs suffisamment alléchants pour les acteurs internationaux qui cherchent de la croissance externe dans notre région.
Il faut enfin un travail sur le côté réglementaire. Tous les pays sont passés à Slovency II ou des cadres aussi exigeants en matière de gestion des risques et des fonds propres. Même nos amis marocains l’ont fait.
En last but not least, la mise en harmonie des réglementations permettrait de rendre les choses plus faciles aussi bien côté acquisitions que cessions. Encore une fois, il faut rattraper le gap dans notre industrie financière en matière de lois. Cela a été partiellement fait au niveau des banques, et il est temps de le faire au niveau des assurances. Ce secteur est très prometteur et représente la meilleure marge de croissance en Tunisie.