La mairie de Tunis sera dirigée par Souad Abderrahim, qui est aussi membre du bureau politique du mouvement Ennahdha. Un événement sans précédent qui va certainement peser sur l’évolution de la scène politique. Quelle conclusion peut-on tirer de cette élection?
Khadija Moalla, consultante internationale senior en leadership, droits humains & droits des femmes, gouvernance et objectifs du développement durable, nous livre son analyse.
– Comment voyez-vous la déroute des progressistes lors du vote de l’élection du maire de Tunis, sachant que certains élus du l’Union civile ont voté, dès le premier tour, pour Ennahdha?
Les vrais progressistes ne changent pas leurs principes ni leurs positions. Par contre, les opportunistes qui prétendent être progressistes et les pseudo-modernistes dévoilent leur vrai visage chaque fois que leur intérêt personnel réel le requière ou que leurs alliances le dictent. Ceux qui jouent la comédie ne trompent plus personne et le peuple Tunisien n’est plus dupe et n’acceptera plus jamais de faire confiance à ceux qui l’ont trahi! Les progressistes sont par nature des leaders courageux qui sont prêts à tous les sacrifices pour défendre leurs idées. Ils ne font pas partie des 230 partis politiques actuels. Le temps viendra où ils feront leur apparition sur la scène politique et prendront les choses en main en commençant par rétablir la confiance, base essentielle à tout engagement politique.
– Peut-on parler d’un remake du collectif du 18 octobre 2005 entre Ennahdha et le Front Populaire?
Juillet 2018 n’est pas octobre 2005 et nous ne vivons pas la même situation et par conséquent nous ne pouvons pas comparer l’incomparable. Les alliances qui auraient pu être comprises ou excusées en 2005, ne peuvent plus l’être en 2018.
– L’électeur se retrouve malheureusement victime du discours haineux de prédicateurs religieux. En termes de positionnement, la frange démocratique se trouve aujourd’hui au dernier rang, quelle conclusion peut-on tirer ?
Le discours haineux a été introduit par l’Islam politique qui est basé sur l’exclusion de l’autre, quel que soit cet autre! L’Islam politique n’ayant aucune vision, aucun projet de société, aucune solution politique, économique et sociale pour gouverner la Tunisie et encore moins de la sortir du gouffre où elle est, est obligé d’entrainer le peuple dans des conflits intergénérationnels, contre les régions, contre les différentes religions, ethnies, dénominations. Le drame c’est que l’Islam politique est basé sur le respect total dès qu’un mot d’ordre est lancé. Alors que d’un autre côté, les démocrates ne sont pas organisés, ont un ego surdimensionné qui fait qu’ils ont du mal à créer des alliances entre eux, à s’unir autour d’un mot d’ordre simple. La preuve, ils n’ont pas réussi à sortir un texte commun à tous les partis qui se prétendent démocrates et à rallier les personnalités publiques à eux, pour soutenir la Commission des Libertés et pour l’égalité. En faisant cela, ils prouvent encore une fois, si besoin est, leur incapacité à s’unir en un front moderniste, laïque, progressiste, capable de défendre les droits humains et les libertés individuelles.
Face à ce discours haineux, le courage, l’intégrité et l’authenticité sont devenues des valeurs de plus en plus rares et en voie de disparition. Le seul espoir qui reste serait l’arrivée sur la scène politique de leaders courageux et prêts à faire face à ces prédicateurs religieux extrémistes.