Il n’y a pas si longtemps, la Tunisie pouvait être fière de son système de santé, l’un des meilleurs en Afrique. Aujourd’hui, il est lui aussi à la dérive.
Car nous avons un système de santé à deux vitesses où les riches se soignent dans des cliniques privées et où les hôpitaux publics sont délaissés. Faut-il payer des millions pour pouvoir être soigné dignement aujourd’hui en Tunisie?
Et qu’en est-il de la digitalisation pour faire cesser l’anarchie administrative et les privilèges de certains ?
Certes, il ya un manque de moyens mais faut-il aussi manquer de cœur?
Mohamed Adel Houbaichi : ce médecin palestinien dont la bonté de cœur est sa langue !
Dans un article précédent, nous vous avions parlé de ce médecin palestinien, Mohamed Adel Houbaichi, qui se dévoue pour ses patients tunisiens. Il nous a parlé de sa situation de réfugié palestinien et tiré la sonnette d’alarme à propos des hôpitaux publics tunisiens en situation de déshérence. En tant que médecin étranger, il n’a pas droit aux mêmes privilèges que ses pairs, ni le droit d’ouvrir son propre cabinet médical bien que possédant le même diplôme tunisien.
Voici un récit de ce que subit le citoyen tunisien au quotidien dans les hôpitaux publics.
« Vendredi dernier, je suis allé dans un des hôpitaux de la capitale avec mon ami qui devait se faire mesurer sa vue. En l’attendant dehors, j’ai vu un vieux monsieur octogénaire passer avec une enveloppe. Il titubait car il n’avait pas une bonne vue et voulait prendre un rendez-vous ophtalmologique pour lui et sa femme.
– Pas de rendez-vous avant 2019, lui a répondu une voix de femme.
– Ma fille, ma femme et moi-même avons des problèmes de vision, au moins donnez-lui un rendez-vous pour qu’elle fasse des lunettes.
– Aucun rendez-vous avant 2019, que dieu t’aide.
Le vieux Monsieur est resté ébahi et a dit en sortant : « La bonté de coeur n’existe plus dans ce pays!».
Soudain en entendant cela, j’ai couru après lui en lui demandant :
– Donnez-moi votre enveloppe et votre numéro, je vais essayer de vous trouver un rendez-vous plus proche ».
Ce vieux Monsieur n’arrivait pas à concevoir qu’en Tunisie en 2018, il ne puisse pas trouver les soins convenables. En effet, il est inadmissible de les laisser attendre plus de 6 mois pour prendre un rendez-vous ophtalmologique. Et quand il s’agit d’une grave intervention chirurgicale, va-t-on les laisser crever ? s’insurge notre brave médecin.
Et de s’interroger : en donnant des rendez-vous aussi éloignés à des personnes âgées qui prendra la responsabilité s’il leur arrivait malheur à cause de leur myopie ? Où est le ministère de la Santé ? Le droit de jouir du meilleur état de santé possible est un droit primordial d’ailleurs le droit à la santé est inscrit dans la Constitution tunisienne. Mais qu’en est-il aujourd’hui pour le citoyen tunisien?
Au final, notre brave docteur a pu trouver un rendez-vous beaucoup plus proche à l’hôpital des yeux pour ce vieil homme et sa femme.
« – Fiston, peux-tu me rappeler ton prénom », m’avait demandé le monsieur en me remerciant.
-Adel, Monsieur lui répondis-je
-D’où viens-tu?
-Je suis Palestinien
-Vous savez fiston, la dernière fois j’ai entendu parler d’un médecin palestinien rémunéré à 300 dinars, ce n’est pas normal.
-C’est moi ce médecin dont vous parlez
-Vous habitez depuis 29 ans en Tunisie?
-Oui
Et soudain, le vieux Monsieur m’a pris dans ses bras et pour la première fois j’ai senti ce que c’est d’être un réfugié , un réfugié palestinien surtout puisque le droit au retour nous prive d’avoir une autre nationalité . Les bras et l’amour de mes grands-parents je ne les ai jamais connus à cause de mon exil. Aujourd’hui, ils sont décédés. Ma seule tante vivante habite le Liban et vu ma situation je ne peux pas aller la voir »