Notre souveraineté est-elle réellement menacée ? Qu’est ce qui la menace ? Qui la menace, quel sont les axes sensibles sur lesquels déferle cette menace ? telles sont les questions auxquelles l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques (L’ITES) a cherché à y apporter des réponses ou, du moins des esquisses de lecture, en invitant une pléiade d’imminents politiciens et de chercheurs, lors d’un colloque organisé par l’institut le 21 juillet 2018 sur le thème : « les Défis de la Souveraineté en Tunisie ». Ce colloque a visé à dessiner les contours d’une anxiété qui a commencé déjà à se faire sentir depuis quelques décennies et à prendre forme dans la conscience de plus d’un, en cette ère post-révolutionnaire.
Ayant pour objectif de « sensibiliser les décideurs et l’opinion publique tunisienne aux défis auxquels fait face la Tunisie dans l’exercice de la souveraineté » le colloque s’était assigné la lourde tâche d’être la phase de lancement d’un débat national auxquels participeront tous les secteurs et catégories de la société ainsi que ses forces vives et ses intellectuels, et qui aboutirait selon le directeur général de l’ITES, M. Néji Jalloul, à élucider les enjeux de la souveraineté dans la Tunisie d’aujourd’hui et à élaborer une vision tunisienne concernant la souveraineté nationale, dans un contexte global de mondialisation.
Dans l’intervention d’ouverture, Néji Jalloul a mis en exergue l’importance d’un tel débat dans le contexte national d’aujourd’hui, où « des voix s’élèvent pour prêcher le doute sur l’indépendance même du pays ». Dénonçant ces voix, Jalloul a indiqué que ce seront les enfants des républiques, ces millions de tunisiens qui sont le fruit d’une politique d’Etat souverain dont l’édifice a commencé à voir le jour depuis l’indépendance du pays en 1956, qui sauront défendre la souveraineté tunisienne contre ses détracteurs de l’intérieur comme de l’extérieur.
Pourquoi un pacte pour la souveraineté
Interrogé par l’Economiste Maghrébin sur le nouveau concept de Pacte de Tunisie pour la Souveraineté qu’il a lancé, Néji Jalloul a indiqué qu’une tradition ancrée, chez les diffèrent pays avancés, consiste en l’élaboration de manifestes qui ont pour tâche de définir certains concepts et d’apporter des réponses concertées aux questions qui intriguent les sociétés. Ces manifestes s’érigent par la suite en contrat moral liant les différentes composantes de la vie sociale et politique et contribuent ainsi à l’éclaircissement des règles des différents jeux de la société. Selon lui, le pacte de Tunisie pour la souveraineté s’inscrit dans cette optique, notamment, parce que la Tunisie a une tradition dans ce domaine remontant jusqu’à l’œuvre d’Abdelaziz Thaalbi « La Tunisie Martyre », du début du 20e siècle, et qui a pris elle-même la forme d’un manifeste.
La Tunisie exige que les intellectuels et les politiciens y apportent une réponse
Il a ajouté dans ce contexte que les institutions de recherche, à l’instar de l’ITES, sont appelées à apporter leur contribution dans cet effort et d’être ainsi d’un apport considérable dans la prise de conscience des tunisiens à propos de ce qu’ils sont. Il a indiqué que plusieurs questions sont mises à l’ordre du jour de l’Institut, et « si la réflexion d’aujourd’hui se rapporte à la question de la souveraineté, c’est parce que le contexte actuel de la Tunisie exige que les intellectuels et les politiciens y apportent une réponse et pour mettre un terme au débat mal saint manipulé par certains négationnistes qui visent les constantes même », en l’occurrence celle de la souveraineté et de l’indépendance.
Par ailleurs, Néji Jalloul a indiqué que dans un contexte de mondialisation marqué entre autre par le printemps arabe, qui représente en soi l’impact de la mondialisation sur le monde arabe, le concept de souveraineté s’est métamorphosé et c’est pourquoi « il devient inéluctable pour nous tunisiens de penser à notre souveraineté interne et ce, en rehaussant nos symboles nationaux de la souveraineté ». Et c’est pourquoi aussi, il est important selon lui, que ces symboles de la souveraineté, à l’instar du président de la République, du drapeau national et de toutes les Institutions de l’Etat reprennent leur verve et redeviennent aux yeux des Tunisiens ce qu’ils étaient d’antan et ce qu’ils devraient être toujours.
Réfléchir sur les axes du politique, de l’économique et du culturel
La réflexion lors de cette journée a porté sur trois axes, considérés comme piliers de la notion de souveraineté dans l’époque actuelle, à savoir, la souveraineté politique, la souveraineté économique et en fin la souveraineté culturelle.
Au niveau du premier axe de réflexion, les intervenants ont mis l’accent sur la situation politique actuelle marquée par la dispersion du pouvoir engendrant une situation de déséquilibre qui a eu pour conséquence l’affaiblissement de l’Etat et la mise en péril de la souveraineté.
Au niveau du deuxième axe, la question principale qui a été posée, était celle de savoir comment la Tunisie pourrait acquérir la capacité de préserver sa souveraineté dans le contexte de la politique d’emprunt adoptée par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution ? L’interventionnisme des bailleurs de fonds internationaux est certes un défi qui menace la souveraineté du pays, cependant, la question est de savoir comment on pourrait faire bon usage de ces prêts afin de limiter leur impact sur les politiques sociales du pays ?
Au niveau du troisième axe, celui de la souveraineté culturelle, l’accent a été mis sur les défis qui affrontent l’identité tunisienne, du fait de la mondialisation culturelle, mais aussi, du fait de l’émergence d’une certaine perception de la religion qui contraste avec la vision élaborée par les Tunisiens le long de leur histoire.
Par ailleurs, à noter la présence, lors de ce colloque de plusieurs figures politiques de l’ancien régime à l’instar de M. Habib Ben Yahia, ancien ministre de la Défense, des affaires étrangères et ancien secrétaire général de l’Union du Maghreb, qui a présenté lors du premier panel du colloque une intervention sur « la diplomatie au service de la souveraineté » et M. Abdelbaki Hermassi, ancien ministre de la culture et des affaires étrangères qui a présenté à son tour une intervention sur la question de « l’Etat et la souveraineté nationale ».
Le colloque s’est achevé sur un appel à approfondir le débat concernant les différents défis qui menacent la souveraineté et ce en favorisant l’esprit de consensus qui caractérise la mentalité tunisienne.