Quelle est d’après vous la fonction d’un gouvernement ? Voilà une bonne question à l’heure où on ne sait plus dans ce pays qui gouverne vraiment et qui s’oppose vraiment.
Le chef de l’Etat, après un mutisme qui a laissé perplexe plus d’un, vient de le rappeler à son protégé Youssef Chahed, sans prendre des gants et, qui plus est, via une interview télévisée; ce qui vous donne une idée de l’état des relations entre les deux hommes.
Normal que l’opinion finisse par s’en ficher. Que le président de la République laisse planer encore une fois le doute quant à son avenir politique, cela participe de cette tactique qui s’appelle souffler le chaud et le froid; que les prétendants à une éventuelle succession tardent à ouvrir le bal, mis à part Rached Ghannouchi qui n’exclut rien, c’est la dernière chose à laquelle pensent les masses laborieuses, canicule aidant; surtout quand on annonce un renchérissement des prix des produits de première nécessité; d’où cette question du début: à quoi sert vraiment un gouvernement qui n’arrête pas de corser l’addition pour les plus démunis ?
Au président français Emmanuel Macron qui lui rendait l’autre jour visite au Vatican, le Pape François a rappelé une évidence, à savoir que la fonction première d’un gouvernement est de défendre les pauvres et tous ceux parmi la population qui sont en situation de détresse.
Message subliminal et remontrance papale très diplomatique sur fond de crise migratoire qui secoue le Vieux continent, et mettant à mal une entité européenne à la recherche d’un semblant d’unité et de cohésion après le séisme du Brexit.
Il est vrai qu’entre devoir d’assistance humanitaire et protection des frontières, difficile de s’y retrouver. On a parlé de refiler la patate chaude aux pays du flanc sud de la Méditerranée, lisez la Tunisie, l’Algérie et le Maroc qui ont dit leur mot, la Libye ingouvernable ayant préféré faire cavalier seul.
Solidaire et fort de son poids moral, le Pape François a mis les gouvernants européens devant leurs responsabilités, ainsi que leurs pairs à travers le monde. Quoi de plus impérieux que de protéger tous ces damnés qui peuplent la planète et qui attendent d’être secourus.
Y a-t-il un uléma, un savant de la foi, un cheikh ou une quelconque autorité religieuse digne de ce nom qui soit sorti en public pour stigmatiser cet appauvrissement accéléré des populations arabes et musulmanes et pointer du doigt les gouvernements responsables ? Que non, aucun.
En revanche, on se hâte pour enchaîner les fatwas les plus saugrenues, les plus idiotes et les plus insensées, en promettant la porte de l’Arche aux pauvres types qui veulent bien y croire.
Comme si, le paradis était suspendu à une barbe, un kamis, un khimar ou une burka et bien sûr, toutes les privations qui vont avec; comme si, les exégètes auto-proclamés de la foi expurgée de toutes les déviances étaient le dernier salut devant la dernière tentation du… diable.
Alors que dans l’Occident « impie », l’Eglise n’arrête pas de faire sa mue au sein de la communauté des croyants, le monde semble s’être arrêté comme figé, comme tétanisé par des siècles de sommeil et d’incurie. Alors que dans le milieu épiscopal, on reste ouvert à toute proposition utile à même de mettre la religion en phase avec son temps, dans nos contrées arabes, on a perdu le sens de la mesure, comme si, il y en avait uniquement pour le ventre et son bas; comme si nager dans l’ignorance, l’aveuglement et l’archaïsme était une malédiction. Et cette porte de l’Arche dont nos jurisconsultes de l’ici-bas et de l’au-delà parlent tant, c’est par où ?