Le 13 août- Bien conscient qu’en Tunisie, les libertés individuelles et l’égalité demeurent plus que jamais un sujet d’actualité dans la société, faire bouger les lignes est un premier pas en avant. A l’heure où on parle d’égalité dans l’héritage, les inégalités persistent encore. Reportage:
Soixante-deux ans après la publication du code du statut personnel, les acquis de la femme sont les mêmes, aussi bien dans la première Constitution du temps du leader Habib Bourguiba, que dans celle du 27 janvier 2014. Plus de sept ans après la révolution, une grande avancée vient de tomber dans l’escarcelle du Code du statut personnel : l’égalité dans l’héritage. Avec cette proposition annoncée par le président de la République, lors de son discours d’aujourd’hui, à l’occasion du 13 août, la Tunisie est sous le feu des projecteurs aussi bien à l’échelle nationale qu’à l’international.
Et oui, en matière d’ambitions et de revendications, les femmes tunisiennes veulent avancer.
Ils sont jeunes, moins jeunes, hommes et femmes à s’être réunis aujourd’hui, non seulement pour marquer la présence et appuyer le rapport de la Colibe, mais pour dire au monde entier que la Tunisie avance et qu’elle sera la pionnière du monde arabo-musulman à mettre en place l’égalité dans l’héritage.
Rencontrée lors de cette marche, et sous le slogan “égalité dans les droits et les devoirs”, Wahid Ferchichi, professeur de droit public, a indiqué pour sa part qu’une manifestation pareille témoigne de deux aspects. Premièrement, la manifestation était spontanée et unie, “on a vu toutes les catégories sociales, tous les profils des Tunisiens, des femmes voilées non voilées”. Ensuite, un signal fort a été envoyé aux politiques pour leur dire que la rue est beaucoup plus courageuse que les politiciens.
13 août représente la volonté
Pour Monia, une maman de deux filles, une citoyenne tunisienne, le 13 août représente la volonté. Elle nous confie: “Il faut continuer le combat pour pouvoir avancer. Il ne faut pas s’arrêter, même si nos acquis sont là, mais je milite aujourd’hui pour mes deux filles. Quand elles seront grandes, elles seront fières d’appartenir à ce pays.”
D’autres voient que les sentiments sont mitigés, entre un goût amer, le sentiment d’être heureux ou déçu, “car on s’attendait à plus, quelque chose de révolutionnaire”, nous confie Bahia, rencontrée lors du rassemblement.
De son côté Jawher Ben Mbarek, coordinateur du réseau Destourna, est revenu sur le discours du Chef de l’Etat qui permet aujourd’hui de discuter de choses sérieuses, même si le texte n’est pas encore prêt. Sur le plan technique, constitutionnel et juridique, c’est insoutenable car il s’agit d’un droit constitutionnel, fait-il remarquer. Selon lui, cela signifie que la loi ne sera pas rigoureuse quand elle laisse le choix entre deux systèmes.
Il a également rappelé que le processus législatif est long. De ce fait, les travaux de l’ARP démarreront au mois d’octobre et la priorité sera le projet de loi de Finances 2019. “A mon avis, cela sera un peu dur de faire passer une telle loi dans un moment critique, quand on parle des élections de 2019.”
Bochra Bel Haj Hmida, présidente de la Colibe a précisé que les députés voteront ce projet de loi sans problème; et s’il y a un débat dans la société, au niveau de l’élite, “ce sera autour de cette question et j’espère qu’elle nous unira, car si on le fait, on donne l’espoir à toutes les femmes dans le monde arabe et nous serons le premier pays à faire bouger les lignes.”
Elle conclut: “Le fait que la société tunisienne qu’elle soit dans l’agressivité, dans les difficultés, dans la violence, discute de toutes ces questions, c’est une révolution.”
Les femmes tunisiennes, femmes au foyer, cheffes d’entreprises, politiciennes, députées, des haut cadres dans un métier d’homme, des femmes rurales, des agricultrices, nous surprennent toujours, quel que soit leur poste ou leur niveau scolaire; elles sont déterminées plus que jamais à avancer. Et le combat continue…