Inutile de rappeler que le secteur cuir et chaussure en Tunisie passe par une crise qui persiste depuis des années. Face aux multiples cris d’alarme des intervenants dans le secteur, l’autorité de tutelle fait la sourde oreille. Pour cette raison, la Fédération nationale du cuir et chaussure relevant de l’UTICA a tenu une conférence de presse, aujourd’hui 15 août, au siège de l’UTICA, pour faire le point sur la situation du secteur.
Cette conférence de presse intervient suite à l’échec d’une réunion tenue entre le ministre du Commerce, Omar Behi, et une délégation de la dite fédération. Intervenant lors de la conférence Wajdi Dhouib, président de la chambre nationale des artisans du cuir, regrette l’échec de la réunion qui n’a abouti à rien selon lui. Plusieurs sujets brûlants n’ont pas été réglés ce qui complique encore la situation du secteur en péril.
Cuir et Chaussure en Tunisie : un secteur sinistré à tous les niveaux
Le premier des soucis des professionnels n’est autre que la fripe. Le président de la Chambre affirme que la loi a limité le quota de la quantité importée de la fripe en Tunisie à 12% des importations de textile (10500 tonnes annuellement). Chose qui n’est pas respectée par les commerçants de la fripe. A cet égard, il s’est indigné de la non application de la loi. Pour exercer le commerce de la fripe, une autorisation du gouverneur s’impose étant donné que c’est un commerce destiné aux personnes démunies. «Mais la réalité des choses est toute autre, étant donné que le quota a atteint 40% et les quantités ont dépassé les 350 mille tonnes en Tunisie», regrette-t-il.
Continuant dans le même sillage, il a affirmé que la loi qui régit le secteur de la fripe existe depuis 1995, mais qu’elle n’est pas appliquée. Et malgré son activation en 2017, lors d’un Conseil ministériel présidé par Youssef Chahed, aucune démarche n’a été mise en place, ce qui génère de grandes pertes pour les artisans et les chefs d’entreprise du cuir et chaussures en Tunisie. Sans détour, il accuse la douane de ne pas appliquer la loi.
L’émergence de plusieurs franchises en Tunisie est aussi un autre problème rencontré par le secteur du cuir et chaussures en Tunisie. Wajdi Dhouib s’interroge sur l’émergence de la franchise en Tunisie à un moment où la Tunisie a besoin de ses réserves de change. Pour lui, il s’agit d’investisseurs qui vont quitter et ramener leur argent avec eux. Pis encore, il n’est pas possible de parler de concurrence loyale entre une entreprise locale et une franchise, étant donné que ces dernières bénéficient de plusieurs avantages fiscaux et financiers par rapport aux entreprises locales.
Quant au marché parallèle, il demeure la bête noire du secteur cuir et chaussure en Tunisie. A cet égard, l’intervenant ne manque pas d’exprimer sa rage sur l’expansion du phénomène. Car si la loi est appliquée d’une façon rigoureuse sur les entreprises conformément à la loi, il n’en est pas de même à l’égard des acteurs du marché parallèle. D’où des interrogations qui s’imposent sur les raisons de cette distinction, alors que les entreprises locales s’acquittent de leurs obligations fiscales.
Prenant la parole, Khémaïs Mitaou, président de la Chambre nationale des fabricants de chaussures, a affirmé que la Tunisie a de vieilles traditions dans le secteur cuir et chaussure et que les artisans tunisiens sont professionnels et jouissent d’une qualité de travail irréprochable. Cependant, il regrette que la bataille devienne rude face à la concurrence des multinationales. Les excellents artisans ont quitté la Tunisie. La hausse des prix de la matière première, la TVA sociale, les contributions conjoncturelles et les taxes douanières sont des paramètres qui ont fait que le prix du produit tunisien, augmente conclut-il.
De son côté Mustapha Abdelheni, président de la Chambre nationale de la Maroquinerie a indiqué que l’entreprise n’est en rien responsable de la détérioration du pouvoir d’achat du consommateur, toutefois elle se trouve obligée d’augmenter les prix à cause de l’augmentation des coûts. Il a affirmé par la même occasion que les adhérents de la Fédération sont furieux et s’attendent à des mesures concrètes pour sauver le secteur.
Pour rappel, le nombre d’artisans est passé de 6000 employant 17.000 personnes en 2010, à 2500 artisans en 2017 employant 5000 personnes. En 2017, la Tunisie ne compte pus que 250 usines de cuir et chaussure, alors que leur nombre avoisinait les 460 il y a une décennie.