Il est peut-être utile de préciser que le prix de la liquidité ( TMM ) augmente sous l’influence de la hausse du taux directeur, de la pression de la demande de monnaie centrale (avoirs conservés en réserves détenus par les établissements de crédit à la BCT, et qui se composent de réserves obligatoires et excédentaires) et des instruments de refinancement privilégiés par la politique monétaire.
En réalité, il existe trois taux directeurs : le taux directeur à proprement parler ou taux directeur principal de la BCT, les facilités permanentes de prêt à 24h et les facilités permanentes de dépôt à 24h. Ces deux derniers taux constituent respectivement le plafond et le plancher qui enserrent la valeur du TMM (Graphique 1).
En augmentant le taux directeur principal, les deux autres taux suivent par homothétie. Depuis le mois de mars 2018, l’écart entre le taux directeur principal et les deux autres taux est de ±100 points de base (± 1%).
La pression de la demande de monnaie centrale (ou demande de liquidité), deuxième variable qui influe sur l’évolution du TMM, découle principalement de deux facteurs fondamentaux : les fuites de liquidités dans le système monétaire et la nature de la création monétaire. Les fuites dans le système concernent les billets et monnaie en circulation, les dépôts de l’Etat à la BCT et les autres engagements nets au passif de la BCT. Les avoirs extérieurs nets de la BCT (l’or et les devises nettes des engagements) limitent les fuites, voire les annulent, lorsqu’ils sont positifs et croissants. La différence entre ces avoirs et les variables responsables des fuites de liquidités constituent les facteurs autonomes de l’offre de liquidités, dans le sens que ces facteurs sont exogènes, c’est-à-dire indépendants de l’action de la BCT sur la très courte période.
Les facteurs autonomes sont dominés par la différence entre les avoirs extérieurs nets de la BCT et les billets et monnaie en circulation (Graphique 3), ces derniers représentant près de 80% des fuites de liquidités. Or, cette différence se rétrécit depuis 2011, jusqu’à devenir négative, du fait de la baisse régulière des avoirs extérieurs nets de la BCT, contre la hausse continue de la demande de billets et monnaie en circulation (Graphiques 2 et 3).
Le deuxième facteur fondamental qui influence la demande de monnaie centrale renvoie au processus de création monétaire par les banques de second rang.
Ce processus est fonction, pour l’essentiel, du crédit que les banques de dépôt octroient. Malgré les normes micro-prudentielles, il n’y a pas, au moins pour le système bancaire pris dans son ensemble, de dépôts de billets préalables à l’accroissement d’un compte bancaire. La masse monétaire s’accroît donc d’une certaine quantité sous forme scripturale, à travers les crédits accordés par les banques commerciales ; puis, du fait de la circulation de cette monnaie supplémentaire, il y a une demande complémentaire de billets qui se substitue à la monnaie initialement créée (« Credits make deposits » ou monnaie endogène pour une grande part).
Ces billets nouveaux n’existent pas et, pris globalement, le système bancaire doit aller les demander à la BCT qui, seule, a le pouvoir de les créer, contre des titres représentatifs de crédits. Ce sont alors les opérations de refinancement dont le volume global est d’autant plus important que le montant des crédits accordés (au bénéfice de l’économie et de l’Etat) est élevé et que les facteurs autonomes de l’offre de liquidités sont faibles (dans le cas contraire, il pourrait y avoir une ponction de liquidités ou volume de refinancement négatif).
Dans ce processus, ce sont les banques de second rang qui ont principalement l’initiative de la création monétaire (sans négliger pour autant le rôle de la demande de crédit par les agents économiques). Elles accordent d’abord des crédits (monnaie scripturale et créances sur l’Etat) et recherchent ensuite la monnaie banque centrale (composée de la monnaie centrale et de la monnaie fiduciaire) dont elles ont besoin. Il s’agit donc du principe du « diviseur du crédit » et de la « monnaie endogène ».
Toutefois, les banques ne peuvent pas créer de la monnaie sans limite, à cause de la contrainte de trésorerie que seule la BCT peut satisfaire : convertir leur monnaie en billets pour reconstituer leurs réserves obligatoires et excédentaires, et faire face à la chute des facteurs autonomes de l’offre de liquidités. Ce faisant, la BCT a l’occasion d’exercer une tutelle sur l’émission monétaire des banques, en rendant plus coûteux et moins facile leur refinancement en liquidités.
A part la hausse du taux directeur et la pression de la demande de liquidités, le TMM augmente également à travers l’instrument de refinancement privilégié par la politique monétaire. Ainsi et comme c’est le cas depuis quelque temps, la BCT détermine le niveau du refinancement souhaité en fixant le volume de l’appel d’offres, de l’open market, des prises en pension, des swaps de devises et des facilités permanentes de dépôt à 24 heures. Aussi, l’excès de demande de liquidités par rapport au niveau souhaité ou anticipé par la BCT, est-il refinancé par les facilités permanentes de prêt à 24h, soit par le taux directeur maximum (7.75% actuellement). Plus l’excès de demande est important et plus le TMM se rapproche de ce plafond (Graphique 2). Dans ce cas, il y a tensions sur le marché de l’argent au jour le jour (par rapport au volume global, le refinancement par facilités de prêt à 24h représentait 1.6% en moyenne mensuelle au 1er semestre 2017, contre 21% au 1er semestre 2018).