La crise entre la Turquie et les Etats-Unis mijotait depuis quelques mois. Mais depuis le tweet de Donald Trump, le monde entier avait désormais le droit d’y participer. Ce tweet avait annoncé le doublement des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium turcs. Depuis la livre turque s’est effondrée. Ces deux pays, tous deux membres de l’OTAN, traversent leur pire crise diplomatique depuis 40 ans.
Le vendredi 10 août, en une seule journée la livre turque a perdu 16% de sa valeur face au dollar. Un record historique de baisse a même été atteint lundi sur les marchés asiatiques, où pendant quelques heures pour la première fois un dollar s’est échangé contre sept livres turques
Pourquoi cette crise monétaire a des origines diplomatiques?
La crise couvait depuis des mois, Ankara demandait aux Américains l’extradition de Fethullah Gülen exilé aux États-Unis, auquel le président turc attribue la tentative de coup d’Etat de juillet 2016.
Washington à son tour exigeait la libération d’un pasteur évangéliste américain, Andrew Brunson, soupçonné par les autorités turques, sans preuves réelles, d’être mêlé à cette tentative de coup d’Etat et d’encourager le PKK ( Parti des travailleurs du Kurdistan).
L’échec des pourparlers concernant Andrew Brunson a précipité la montée des tensions. Ajouté à cela la différence de position des deux pays concernant l’Etat Islamique en Syrie. Washington soutient les forces indépendantistes kurdes pour affaiblir l’Etat islamique, alors que pour Ankara le PKK est une organisation terroriste.
A partir du 1er août, la Maison-Blanche a alors imposé des sanctions contre les ministres de l’Intérieur et de la Justice turcs, en gelant leurs avoirs aux États-Unis et en interdisant aux diplomates américains de faire des affaires avec eux.
Vendredi 10 août, Donald Trump avait annoncé le doublement des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium turcs. Ces sanctions ont fait chuter la livre turque et fragilisé son économie très endettée.
La livre a ainsi perdu près de 20% de sa valeur face au dollar en un mois, et près de 40% depuis le début de 2018.
Quelles sont les raisons de la crise?
Les vraies raisons sont ailleurs. Donald Trump a souhaité utiliser la finance pour punir Erdogan, coupable à ses yeux de s’être opposé à ses choix stratégiques. Aujourd’hui, Recep Tayyip Erdogan veut devenir l’homme fort de l’Islam Sunnite face à une Arabie Saoudite absente sur le plan international.
En premier lieu, sur le cas des Kurdes:
Ankara et Washington s’opposent dans le nord-ouest de la Syrie. Les Américains en fournissant des armes aux Kurdes veulent à la fois affaiblir l’Etat islamique et avoir accès aux champs pétrolifères de la région.
En second lieu, la Turquie est une menace pour les États-Unis en Syrie :
L’entente entre la Turquie, l’Iran et la Russie concernant le conflit en Syrie n’est pas du goût de Washington.
Enfin, l’achat de missiles de défense antiaérienne russes S-400 en roubles exaspère au plus haut point les États-Unis. L’avenir des relations internationales se joue aujourd’hui avec ces alliances de puissances.
Ainsi, cette crise diplomatique et puis monétaire est un moyen de pression des États-Unis sur Ankara pour l’obliger à changer de camp. Mais cette crise turque menace les banques européennes très exposées en Turquie.