Trop longues les vacances scolaires d’été, parole d’Emmanuel Macron. On connaît la franchise et le culot du jeune locataire de l’Élysée qui n’a pas son pareil; et quand il veut aller droit au but. Le président français ne mâche pas ses mots, quitte à ramer à contre-courant de l’opinion; et comme on le voit à chaque sortie médiatique. Cela n’a pas l’air de troubler outre mesure le jeune prodige de la scène politique hexagonale, et pas seulement. Quand Macron veut couper, Macron coupe, et tant pis pour une popularité qui peut tout aussi monter que descendre. En homme de convictions, le chef de l’Etat français n’en a cure et n’arrête pas de persister et de signer…
J’imagine mal un président Essebsi, un Youssef Chahed, voire le ministre de l’Education, Hatem Ben Salem, tenir de tels propos. Autant dire se livrer en pâture à la vindicte populaire, d’autant que la nouvelle année scolaire s’annonce des plus rudes.
Mission à hauts risques pour M. Ben Salem. Il sait qu’il va se retrouver une nouvelle fois sur le grill avec des questions litigieuses demeurées en suspens. Il sait aussi que Lassaâd Yacoubi et ses collègues du puissant Syndicat de l’enseignement secondaire l’attendent au tournant et ne lui lâcheront rien. En tout cas, en matière de têtes qui tombent, ils sont toujours prêts à faire rebelote.
Ici même, et à l’occasion de son retour à la tête d’un département qui a la triste réputation d’être ingérable, comme l’est le pays depuis huit ans, je me suis demandé si Hatem Ben Salem (2) ferait mieux que Hatem Ben Salem (1). Une question à plusieurs inconnues même si tous ceux qui s’y sont essayés se sont cassé les dents.
Une véritable fourmilière, le ministère de l’Éducation nationale qui attend toujours un coup de pied salutaire
Et pour être franc, je dois reconnaître que les pressions et les tentatives de déstabilisation auxquelles M. Ben Salem a été confronté, n’ont pas eu l’air d’avoir raison de la ténacité qu’il a su montrer tout au long d’une crise qui a failli faire capoter l’année scolaire écoulée.
Homme de convictions le ministre contesté ? On peut le dire, d’autant que l’ancien professeur universitaire, et diplomate à ses heures, a pu montrer tout au long des négociations avec les syndicats, toute l’étendue de son habileté et de sa force de persuasion, même s’il est encore loin d’avoir convaincu.
Il est vrai que gérer un département réputé pour être explosif et où ses prédécesseurs y ont laissé des plumes est tout sauf une promenade de santé.
En outre, la grande réforme de l’enseignement que tout le monde attend, n’arrête pas de tarder à se mettre véritablement en marche, tellement les intérêts des uns et des autres semblent contradictoires.
Résultat des courses, ça piétine, quand ce n’est pas le point mort. Comment peut-on espérer que la machine des réformes se mette en branle. Sans oublier que tous les maux du secteur ont été identifiés et l’ordre des priorités dressé ? C’est qu’on ne touche pas au mammouth, sauf à se risquer à se brûler les doigts. Chaque minute qui passe, M. Ben Salem en fait l’amère expérience. Réussira-t-il là où les autres ont calé?
Hatem Ben Salem réussira-t-il là où les autres ont calé ?
Le fait qu’on ne donne pas cher de sa peau ne fait que décupler sa détermination à faire le ménage. A grande lessive, gros moyens. Nous en avons eu la sinistre démonstration avec tous ces établissements scolaires perdus dans les coins les plus reculés de la République, en mal de réfection et de réhabilitation et où tout manque.
On ne le dira jamais assez : le secteur a besoin de rigueur et d’organisation quasi militaire, ce qui est loin d’être le cas. Je trouve tout cela déplorable et extrêmement préjudiciable.
Qu’au passage, Hatem Ben Salem soit épinglé par une Samia Abbou plus agressive que jamais, et forte de sa position de députée, semble ne pas l’avoir perturbé, même si comme on l’a vu, il a pu sortir de ses gonds face une femme qui a la réputation de ne pas avoir sa langue dans sa poche.
Excès de langage mis à part, je trouve que cette dernière est après tout dans son rôle et s’en tire bien. Sa popularité auprès de larges franges de l’opinion publique en dit long. A noter que ses croisades anticorruption ne sont pas exemptes de populisme et de calculs politiques. Qui a dit que l’apprentissage de la liberté de parole était un exercice facile?
Pour l’année scolaire qui s’annonce, il faudrait s’attendre à ce que tout le monde donne des coups et en reçoive, à commencer par le ministre Ben Salem lui-même.
Avec le Bac et l’affaire des lycées pilotes, la fin de l’année scolaire écoulée a été houleuse et typique de toutes celles qui l’ont précédée. Jusque-là, et face à la tempête, le ministre a fait mieux que résister. Il a tenu un langage de vérité qui, forcément, n’a pas plu à tout le monde.
Faut-il rappeler que l’enseignement, au même titre que la santé, est depuis deux décennies l’homme malade de la République? Et qu’il lui faudrait sans doute plus qu’un saupoudrage pour le sortir du coma profond dans lequel il reste plongé.
Un peu à l’image de la crise profonde que vit le pays, il lui faudrait aussi et surtout beaucoup de courage. Et de culot pour empêcher que le sacré ne s’en mêle et n’entraîne la quête du savoir dans des querelles idéologiques et religieuses sans fin.
Je ne sais pas si M. Ben Salem peut être l’homme de la situation. Il en a en tout cas toutes les capacités, à condition qu’on le laisse travailler. Et qu’on en finisse avec cette valse ininterrompue de ministres, du moins jusqu’à fin 2019. Or, tout indique que ce ne sera peut-être pas le cas… En attendant, c’est notre système scolaire qui n’en finit pas de fabriquer des cancres. De quoi rassurer tous les nuls.