L’information est tombée Lundi matin et a eu un effet de bombes sur les banques cotées à Bourse de Tunis : la BCT est en train de préparer quelques textes qui visent à renforcer la solidité du secteur.
Traditionnellement, cela signifie plus de fonds propres. Mais cette fois, l’intention de la Banque Centrale va bien au-delà : passer à un ratio cible Crédits/Dépôts. Là, on touche vraiment le cœur du système. D’ailleurs, le Tunindex a enregistré une débâcle de 6,12% en seulement 3 jours de cotations. Les banques ont vu leur indice reculer de 8,77% depuis la sortie de l’information. La reprise enregistrée ce vendredi est loin d’effacer les pertes colossales de la semaine.
La réalité qui choque
Souvent, la lecture des indicateurs d’activité des banques est superficielle et se focalise sur l’unique Produit Net. Nous avons toujours insisté que ces indicateurs ne traduisent pas la réalité. Il faut aller plus loin en creusant dans les équilibres de chaque établissement de crédit, et le ratio Crédits/Dépôts est un excellent indicateur en la matière. La BCT compte amener les banques qui ont des ratios très élevés à réduire progressivement leurs ratios et ce, à hauteur de 3% trimestriellement.
Si nous jetons un coup d’œil sur les chiffres des banques tunisiennes fin juin 2018, nous allons avoir de très mauvaises surprises. Si le régulateur exigera, à terme, une cible de 110%, seules quatre banques sur les douze cotées seraient en ligne avec les normes : la BIAT, l’ATB, la STB et Attijari Bank. Mais même ces banques ont été fortement sanctionnées par le marché, ce qui signifie qu’il y a certainement d’autres détails techniques dans le calcul de ce ratio et qui pourraient compliquer la tâche d’atteindre rapidement cet objectif.
Nous remarquons que pour les deux autres banques publiques, la BNA et la BH, la situation n’est pas très bonne. Cela montre encore une fois qu’elles sont en train de porter quasiment seules le fardeau du financement des entreprises publiques. Ces dernières obtiennent des crédits alors qu’elles ne font que peu de dépôts en contrepartie.
D’ailleurs, nous pensons que cette norme serait une sanction pour les établissements de l’Etat. Ils seraient amenés à respecter des normes alors qu’ils doivent aussi servir comme un bras financier pour l’exécutif.
Notons que dans le cas de Wifak International Bank, il faut interpréter son ratio avec prudence. La banque est encore en phase de transformation et son actif englobe encore une grande partie de l’activité leasing.
BCT : Pourquoi ces décisions ?
La raison d’une telle décision est double. D’une part, cela permettra de rétablir l’ordre dans le secteur. Les banques sont en train de profiter à fonds la caisse de la hausse des taux pour engranger les bénéfices. En même temps, les agences de notation ne cessent de signaler les risques et les faiblesses du secteur. Le coût du risque reste faible par rapport ay rythme de croissance de l’activité. D’ailleurs, le régulateur a tenté d’améliorer ce côté par le durcissement des règles de constitution de provisions ainsi que la loi sur les parties liées. En même temps, le niveau de capitalisation des banques est resté faible. La plupart des établissements affichent toujours des ratios de fonds propres très modestes et inadéquat avec le rythme de croissance. Exiger un minimum de dépôts pour couvrir les crédits octroyés va pousser les banques à rationaliser leurs activités et veiller à leurs liquidités.
D’autre part, ces mesures vont surtout sanctionner les crédits de la consommation. Cela signifie que l’objectif est de réduire l’inflation. Dans son communiqué de presse, la BCT a précisé que l’instauration de ce ratio « ne vise pas la réduction des crédits à l’économie ».
En parallèle, la BCT a décidé de faire baisser son refinancement des BTA à 40% contre 60% auparavant. Ainsi, les banques vont se voir privées d’une importante source de bénéfices très importante. Sur les six premiers mois de l’année, les gains en portefeuille représentent 28,7% du PNB des banques.
Nos établissements de crédits doivent maintenant faire face à une nouvelle ère. Elles doivent compter sur elles-mêmes dans la collecte des ressources et compter de moins en moins sur la BCT. Elles seront dans l’obligation de trouver de nouvelles offres pour mobiliser les dépôts de la clientèle. Il s’agit d’un dossier à suivre de très près car ses conséquences sont extrêmement importantes pour l’économie tunisienne.