L’Institut des politiques publiques de Machrou3 Tounes a organisé, au cours du dimanche 30 septembre à Tunis, une table ronde sur la crise économique que traverse le pays. Deux volets ont été abordés. Le premier autour de la possibilité d’une sortie de crise. Quant au second volet, il comprend les grandes lignes de ce que devrait être un plan de relance économique à moyen terme.
L’économiste Ezzedine Saïdane a dressé un état des lieux de la situation économique, en insistant sur la nécessité de stopper l’hémorragie. Il faut donc trouver des solutions sans passer par l’endettement extérieur. Est-ce possible ? Il répond : « Non, parce que l’un des ratios, à savoir l’épargne nationale, demeure faible. Avant, la Tunisie épargnait environ 22% de son PIB pour financer ses investissements et sa croissance. Aujourd’hui, ce niveau est descendu au-dessous de 10%. Donc, nos ressources propres pour le financement de l’investissement se sont considérablement amoindries. Mais également notre marge d’endettement à l’extérieur s’est beaucoup rétrécie. C’est cela l’équation difficile que nous vivons en ce moment. »
Et de poursuivre : « On ne peut pas sauver l’économie sans investissement. Tout comme, on ne peut pas faire des investissements sans financement. Du coup, nous serons dans l’obligation de continuer à nous endetter. Mais cette fois, il faudra que cela serve à financer les investissements et non pas à couvrir les dépenses courantes. »
La valeur du dinar s’est dépréciée de 32% depuis 2017, mais de 70% depuis début 2012
Il a également rappelé que la valeur du dinar par rapport aux principales devises s’est dépréciée de 32% depuis 2017 et 70% depuis le début de 2012. Le pire est que cela ne va pas en rester là, comme le confirme notre interlocuteur. Selon M. Saidane, il va sans dire que si nous voulons sauver le dinar, il va falloir sauver l’économie et les finances. Pour étayer ses propos, il ajoute : « Le dinar n’est qu’un miroir qui reflète la situation économique et financière du pays. Si ce que vous voyez dans le miroir ne vous plaît pas, ce n’est pas la faute du miroir, c’est la faute de la réalité économique et financière du pays qu’il faut réparer et sauver d’abord. »
De son côté, Hakim Ben Hamouda, ancien ministre des Finances, a mis l’accent sur la stabilisation économique. Il précise : « Il y a une crise réelle du discours général. Aujourd’hui, les Tunisiens appellent de leurs vœux une sortie de crise qui tarde à venir. »
Par ailleurs, Abderrahmane Lahka, représentant de l’UGTT, a cité l’exemple des subventions où il a noté l’incohérence du côté du gouvernement entre réduire les subventions et baisser le prix des voitures populaires. « Est-ce en prévision des élections de 2019 ? « , s’interroge-t-il.
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— nadia.de (@DenadiaDe) 30 septembre 2018
Evoquant l’exemple des banques publiques, il soutient qu’elles doivent rester publiques car elles constituent le bras financier de l’Etat. Mais il faut améliorer leur gouvernance. Et de poursuivre : « Il faut libérer le potentiel des banques pour financer l’économie. Actuellement les banques tunisiennes publiques et privées ne contribuent à financer l’économie qu’à hauteur de 80%. Alors que dans des pays similaires, à l’instar de la Jordanie, elles prévoient 107% de PIB. Nous avons un potentiel de 20 milliards de dinars à exploiter pour financer l’économie. »
Safouane Ben Aissa, expert économique, est revenu sur la politique fiscale qui, selon lui, ne peut impacter que faiblement l’économie tunisienne. Car soutient-il : « Il y a des recettes qui échappent à l’Etat qu’il faut cerner afin de les pérenniser. »
Ahlem Hachicha Chaker, directrice de l’Institut des politiques publiques à Machrou3 Tounes, dira qu’elle entame une année chargée en termes d’activités : « Notre but est d’arriver à proposer une offre politique structurée, réaliste et réalisable. »