La vidéo a fait le tour de la Tunisie. On y voit la maire de la Capitale demandant à être nommée secrétaire d’Etat. Un geste qui constitue, cela dit, une grande erreur politique qui exprime, et au moment où nombre de nos municipalités vivent la tragédie des inondations qui ont fait morts et sans abris, et quels que soient les arguments que puisse apporter Souad Abderrahim, une certaine avidité.
Il est toujours dans la tête des gens des images inoubliables. Des images qui marquent un événement ou sont l’expression d’un phénomène, d’une réalité ou d’une attitude ou encore d’une disposition de l’esprit des hommes.
La vidéo montrant la maire de la Capitale, Souad Abderrahim, demandant au ministre des Affaires locales et de l’Environnement de pouvoir bénéficier du rang de secrétaire d’Etat, fait partie effectivement de celles-ci.
Réclamant quasiment un droit
La demande formulée par la maire de Tunis constitue, cela dit, une grande erreur politique. Elle exprime, et au moment où nombre de nos municipalités vivent la tragédie des inondations qui ont fait morts et sans abris, et quels que soient les arguments que puisse apporter Souad Abderrahim, une certaine avidité.
Les sinistrés qui ont vu la maire de Tunis demander le rang de secrétaire d’Etat pourront-ils lui trouver une excuse ? Celui qui connaît le vécu tunisien ne peut normalement expliquer ce geste.
Sans oublier les malheurs vécus par des millions de Tunisiens qui n’arrivent plus à s’en sortir, englués qu’ils sont dans une crise sans fin en raison d’une perte bien visible et réelle du pouvoir d’achat.
D’autant plus qu’elle le faisait au su et au vu de tous. La vidéo, qui a fortement circulé ce dernier week-end (29-30 septembre 2018), montre une femme réclamant quasiment un droit.
Et insistant pour obtenir ce qu’elle veut. Et ce face à un ministre qui lui expliquait, avec la patience et l’entregent que l’on lui connaît, que les temps ont bien changé.
On pourrait, d’abord, reprocher à Souad Abderrahim de faire sa demande en public. Il y a aujourd’hui, lorsqu’on est familier avec les mœurs administratives, d’autres moyens plus discrets. Comme écrire. Ou encore appeler le ministre au téléphone.
Et inutile de préciser qu’il est de coutume de ne pas demander à bénéficier d’une fonction. On l’obtient lorsqu’on la mérite ou les textes le prévoient. Tous ceux qui ont fait un chemin dans le public le savent. Et le moyen le plus sûr, dit-on, de ne pas d’obtenir une fonction est de la demander.
Une sorte de tribut
Madame Souad Abderrahim, qui est pharmacienne et qui a un certain âge, n’est pas, ensuite, dans le besoin. Que peut lui apporter, de plus, le rang de secrétaire d’Etat, elle qui est dans le cercle du pouvoir du parti Ennahdah ?
On ne pourrait pas excuser son geste même si elle affirme que ce ne sont pas les indemnités de secrétaire d’Etat qui l’intéressent. Tous ceux qui sont au fait, là aussi, des rouages de l’administration savent que l’administration est obligée de payer ses fonctionnaires et se doit d’établir de ce fait un arrêté qui définisse leurs émoluments.
De toute façon, les Tunisiens ont appris du reste à être bien méfiants à l’égard de sa classe politique, et pas seulement pour les cadres d’Ennahdha, avec ce qu’ils ont vu venir notamment depuis la révolution.
Certains ont parlé, à ce propos, d’une « ghanima », une sorte de tribut. En contrepartie d’années de privation. Ou encore en contrepartie de leur militantisme du temps du président Ben Ali.
Les faits sont, à ce niveau, là têtus et ont été rapportés jusqu’à par des académiciens qui relèvent le moindre fait et geste de nos politiques.
L’historien Fethi Lasir rapporte ainsi dans un ouvrage consacré à la période au cours de laquelle « La Troïka » a gouverné le pays, comment les députés de la Constituante ont procédé, en 2012, à l’augmentation de leur salaire de 2200 à 4200 dinars et comment cette dernière a prévu de voter des avantages financiers dans une séance programmée à…minuit (Fethi Lasir, « Dawlatou Al Houet » (l’Etat des amateurs), Dar Mohamed Ali, Tunis, pp.195 à 200).
Difficile de demander après cela, et sans exagérer le propos, à un fonctionnaire de ne pas faire le siège de son chef pour obtenir un grade ou une fonction. Ou de le convaincre que ce n’est pas possible ou que ce n’est pas le moment.