Taïeb Houidi, géographe, urbaniste, directeur du Bureau d’études Dirasset, a affirmé que le plan d’aménagement territorial en Tunisie comporte des lacunes, dans une déclaration accordée à leconomistemaghrebin.com, en marge d’une table ronde organisée par le Cercle Kheireddine.
En effet, Taieb Houidi considère que la Tunisie a été l’un des précurseurs en matière d’aménagement du territoire. Cependant, des amalgames ont eu lieu parfois au niveau du politique et de l’économique dans l’aménagement. Ainsi, il y a eu une politique d’aménagement du territoire qui a été galvaudée ces dernières années d’après l’intervenant. Ainsi, l’aménagement territorial en Tunisie a des acquis mais conserve des lacunes.
Depuis les années soixante, les autorités ont compris que le problème du développement devait être accompagné d’une vision du territoire. L’idée consiste à traduire les politiques économiques en des politiques territoriales.
Dans le même sillage, il rappelle que plusieurs pays ont enregistré un grand retard en la matière. Les acquis sont l’éducation, la santé, la répartition territoriale des infrastructures. Par ailleurs, il a affirmé qu’il existe encore plusieurs défis non relevés en la matière.
Le premier porte sur un amalgame sur la notion de l’aménagement territorial et la politique économique. « Mais surtout le manque de moyens de l’Etat, lequel a omis de procéder à un échange à ce sujet avec la société civile et les collectivités locales », lance-t-il.
Taieb Houidi avance neuf recommandations
Taieb Houidi a considéré que depuis l’Antiquité il y a eu un drainage des richesses de l’intérieur vers le littoral. « Ce qu’on appelle disparité et déséquilibre, ce sont en fait des différenciations régionales ». Il ajoute : »On a pris des différences de densité pour des disparités, les difficultés du secteur privé de s’installer dans ces régions pour des disparités », étaye-t-il; avant de rappeler qu’il faut utiliser l’expression inégalités régionales. « Elles existent partout dans le monde et il faut les atténuer », lance-t-il.
Pour lui, ce problème ne se résout pas à travers le principe de la discrimination positive. « Je considère qu’il est primordial, en termes d’aménagement du territoire, de mener un échange avec l’ensemble des autres acteurs », préconise-t-il.
Taieb Houidi a, par ailleurs, fait les recommandations suivantes pour un meilleur aménagement territorial :
- La maîtrise de la croissance urbaine (habitat, foncier, centralité, transports publics):
-Priorité à la logistique et au corridor Bizerte-Sfax : l’aspect principal est la mise à écartement standard du chemin de fer Tunis- Sfax ;
– Développer les formations supérieures et professionnelles en les ajustant au marché du travail et aux situations régionales ; - Donner la priorité aux politiques d’économie d’eau, surtout dans les périmètres irrigués ;
- Protéger les espaces fragiles, en particulier les forêts et les karsts (châteaux d’eau du pays) ;
- Atténuer la pression démographique sur les espaces à risque, en particulier dans les steppes et les régions oasiennes ;
- Conduire une politique agricole à deux volets : distinguer régions humides du nord et espaces difficiles qui ne peuvent affronter la concurrence internationale (protection économique spéciale) ;
- Impliquer le privé à travers des contrats donnant-donnant; éviter les concepts inopérants : «inclusivité », « discrimination positive » « économie sociale et solidaire »;
- Rattacher l’aménagement du territoire à la présidence du gouvernement, compte tenu de sa transversalité.