Le ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi, vient de jeter un pavé dans la mare : il a affirmé, le 4 octobre, lors des obsèques des deux soldats victimes de l’explosion de la mine sur le Mont Châambi, que les conflits politiques actuels sont responsables de 90% des problèmes actuels en Tunisie, y compris les problèmes sécuritaires. Est-ce une critique à l’adresse de l’Establishment tunisien ?
Il a ajouté que les politiciens qui prétendent représenter le peuple devraient se rappeler qu’un jour viendra où le peuple leur demandera des comptes. Vu leur désillusion et leur colère, les Tunisiens ont approuvé cette intervention : « Le ministre a dit la vérité. Il a dit tout haut, ce que les Tunisiens pensent tout bas. Ce qu’il prévoit pourrait bien arriver », m’a confié un homme du peuple.
Comment interpréter cette intervention ? Le ministre sort du rang et remet en question la solidarité gouvernementale. Il défie toute la classe politique. Des observateurs rappellent le slogan de Jean-Pierre Chevènement : « Un ministre, ça ferme sa gueule. S’il veut l’ouvrir, ça démissionne. ». Ils s’interrogent : « Ce ministre ira-t-il jusqu’au bout de sa démarche ? »
Est-il partie prenante de cet Establishment ?
Voudrait-il s’inscrire dans la durée, se repositionner et redorer son blason. Il rejoindrait ainsi d’importants acteurs politiques, qui multiplient les manœuvres à l’horizon 2019 et les éventualités électorales. Ces acteurs politiques occultent leurs responsabilités en tant que membres de l’Establishment. Leurs critiques constituent plutôt une autocritique.
Qui est derrière cette initiative ? Quelles parties du pouvoir sert-elle ? Ne faudrait-il pas l’inscrire dans le conflit entre Carthage et la présidence du gouvernement, avec l’espoir de garder les chances de l’intervenant ? Nous pensons que les choses importantes se passent en coulisses. Mais fait incontestable, le ministre Abdelkarim Zbidi a déjà refusé la charge de chef de gouvernement. De ce point de vue, il n’a pas d’ambition. Peut-être souhaiterait-il rappeler ses convictions à la classe politique et exprimer sa solidarité avec les citoyens, quitte à sortir de la scène politique. Il demande au pouvoir d’être à l’écoute de son peuple. Cet avertissement du ministre a cependant inquiété la classe politique. D’autres analystes estiment que le diagnostic du ministre n’est pas complet et estiment que la classe politique, toute solidaire, a marginalisé les compétences et barré la route à la jeunesse.