La décision de sortir sur le marché des Eurobond s’est enfin concrétisée cette semaine. Pour conclure l’affaire, l’Etat s’est doté d’un arsenal de conseillers : Deutsche Bank, JPMorgan Chase & Co, Citigroup et Nataxis.
Il est encore tôt pour parler des résultats de la sortie, mais le contexte est très délicat pour trois principales raisons.
Un mauvais rating souverain
La première cause est que la sortie de la Tunisie intervient juste après la dégradation des perspectives par Moody’s de « Stable » à « Négative ». L’intervention de l’agence est déjà dans le cadre de cette émission. De plus, la note est fortement spéculative (B2). L’agence a pointé un élément très important, mais peu discuté par les analystes locaux : l’« intensification des pressions dans un environnement extérieur de plus en plus défavorable ».
En fait, avec la guerre commerciale qui va peser lourd sur l’économie mondiale, les risques de la Zone Euro avec le Brexit et le risque italien, la vie n’est pas facile pour la Tunisie. Nous sommes très liés à l’Europe et le moindre choc dans la zone va directement frapper de plein fouet la stabilité macroéconomique déjà fragile du pays. Ces facteurs vont nous coûter cher. D’ailleurs, la Turquie vient de lever deux milliards de dollars au taux de 7,25% lors la dernière sortie qui date d’hier.
Des hypothèses peu fiables
Le deuxième élément est la série des augmentations salariales qui viennent d’être signées par le Gouvernement. Il est vrai que cela concerne les entités publiques, et non pas la fonction publique. Néanmoins, pour les investisseurs institutionnels étrangers, c’est d’abord un signal que le Gouvernement va prochainement accorder une augmentation similaire au profit des fonctionnaires. Nous ne contestons pas ces révisions en elles-mêmes, mais plutôt leur impact sur le déficit.
Il est vrai que les salaires relatifs aux entités publiques ne sont pas budgétisés. Néanmoins, tous les connaisseurs savent que l’Etat est en train de soutenir ces entreprises, même à travers des garanties auprès des établissements financiers, qui sont considérées comme des dettes. Signer l’accord à la veille d’une émission signifie que le déficit présenté dans le prospectus du papier souverain, qui n’est autre que celui de la Loi de finances 2019, n’est pas crédible.
L’instabilité gouvernementale
Enfin, les rumeurs qui parlent d’un remaniement ministériel et évoquant le ministère des Finances sont une grave erreur. Le ministre est censé être la personne la plus impliquée dans le processus de vente du papier souverain et il est en train de mener le road show actuellement en cours. C’est lui qui discute avec les investisseurs institutionnels étrangers et qui défend les hypothèses de la loi de finances. Si les investisseurs savent par avance que le Monsieur avec qui ils discutent est sur départ, quelle serait la crédibilité pour son discours ? C’est vraiment très étrange de lancer de telles manœuvres politiques dans un tel contexte.
Nous espérons que la sortie soit une réussite, car c’est important. Un taux élevé va mettre l’exécutif sous pression comme la dernière fois. Il faut également regarder la demande sur le papier, car c’est un signal qui traduit le degré de confiance en notre économie.