La saison des chiffres trimestriels des banques s’est achevée et il est temps de faire le point. Cette fois, le contexte est différent.
Les établissements de crédit ont été chahutés sur la Place de Tunis en perdant 17,2% depuis la rentrée. Une vraie correction qui traduit le sentiment d’inquiétude, non quant à la capacité de génération des profits, mais plutôt à la solidité des bilans.
Une prise de risque excessive
La clé de cette panique est l’intention de la BCT de durcir ses règles prudentielles. Ayant évolué durant longtemps dans un cadre réglementaire relativement laxiste par rapport à ce qui se passe même dans les pays de la région, les banques tunisiennes auront des difficultés à s’aligner sur les nouvelles normes. Pour le moment, nous n’avons pas d’idées sur le contenu définitif du texte qui sera édicté, mais quel qu’il soit, le marché ne semble plus octroyer sa confiance à ces établissements.
Ce qui alimente plus les craintes, c’est l’évolution du couple crédits-dépôts. Calculer ce ratio sur la base des indicateurs d’activité trimestrielle est loin d’être précis, car il faudra tenir compte du stock de provisions constituées pour les dettes carbonisées. Toutefois, il donne une idée sur l’ampleur du problème. Pour les douze banques cotées, ce ratio est passé de 106,2% fin 2017 à 108,2% fin septembre 2018.
Si on ajoute les provisions qui dépassent les 8,5 milliards de dinars, les calculs changent. Ce qui est sûr, c’est que le secteur a bien créé la monnaie durant les neuf premiers mois de l’année, et s’est éloigné davantage des nouvelles normes. Les chiffres montrent que les crédits octroyés par les 12 établissements ont dépassé le seuil de 3,8 milliards de dinars, alors que la collecte de dépôts a rapporté moins de 2,5 milliards de dinars. C’est ce qui explique la forte sollicitation du refinancement de la BCT qui s’est établi à 15,6 milliards de dinars.
Pressions sur les banques publiques
Un chiffre attire tout particulièrement l’attention : 56,6% des crédits proviennent des banques publiques, alors qu’elles n’ont eu que 18,7% des dépôts. Cela confirme ce que nous avons déjà signalé depuis longtemps : les trois banques sont plus que jamais le bras financier de l’exécutif. Elles sont en train de soutenir massivement les entreprises publiques au détriment de leurs équilibres financiers. D’ailleurs, le projet de la Loi de finances 2019 a évoqué une augmentation de capital pour la BNA. C’est logique puisque depuis le début de l’année, la banque a octroyé à elle seule 712,490 millions de dinars de crédits supplémentaires, alors que ses dépôts ont reculé de 130,445 millions de dinars.
Moins de gains sur portefeuilles d’investissement
Autre point remarquable qui ressort des indicateurs d’activité : baisse des revenus des portefeuilles d’investissement de 4,2% à 252,004 millions de dinars durant le 3ème trimestre et ce, en dépit de la tendance haussière des taux et des gains de change. Les banques n’ont plus les mêmes moyens qu’en 2017 pour faire autant de bénéfices. D’une part, leurs bilans deviennent très risqués et il faut donc donner un coup de frein aux investissements en papiers souverains. D’autre part, avec la baisse du plafond de refinancement de la BCT de 60% à 40%, la contribution de cette ligne au PNB devrait s’inscrire dans une tendance baissière durant les prochaines années.
La marge d’intérêt continue à faire la différence
Mais tout ce que nous venons de dire ne signifie pas que les banques ne sont pas sur la bonne voie pour réussir leur année 2018. Le PNB total continue à croître à deux chiffres, atteignant 3,108 millions de dinars. Mais ce qui inquiète actuellement le marché reste les pressions à venir sur les profits. D’ailleurs, nous pensons que les chiffres du quatrième trimestre ne seraient pas de la même qualité que celle de 2017. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le marché actions, où les banques pèsent plus de 50% du Tunindex.