leconomistemaghrebin a interviewé, en marge de la 33ème réunion du Comité intergouvernementale d’Experts, Mme Lilia Hachem Naas, Directrice du Bureau sous-régional pour l’Afrique du Nord de la Commission économique (CEA). Cette réunion s’est tenue à Tunis du 30 octobre au 2 novembre, sous le thème de la révolution des données en Afrique du Nord : mettre les données au service de la transformation structurelle.
Vous avez pris, il y a presque un an, vos fonctions en qualité de directrice du Bureau de la Commission économique (CEA) pour l’Afrique en Afrique du Nord, basé à Rabat (Maroc). Quels constats faites-vous de cette première année ?
L’Afrique du Nord est une région particulièrement intéressante en Afrique. Il y a des pays avancés par rapport à d’ autres pays africains. Cette région a un grand potentiel de développement, d’amélioration et d’expansion. Sa proximité avec l’Europe peut apporter beaucoup d’opportunités pour tout le continent africain. Elle peut être une locomotive pour le reste de l’Afrique.
L’organisation, en dehors de la CEA, de cette réunion est une première. Quel message voulez-vous délivrer ?
Cette réunion s’est tenue pour la première fois en Tunisie, et ce, à l’invitation du gouvernement tunisien. Le Bureau Afrique du Nord de la CEA travaille pour tous les pays. Le fait d’organiser cette réunion à Tunis montre une appropriation du travail du bureau, une reconnaissance des activités entreprises et un intérêt pour toute la région.
Nous voulons être en mesure de répondre aux priorités des pays membres. C’est pourquoi, nous explorons des thèmes et domaines socioéconomiques et environnementaux et nous faisons des recherches. La priorité pour les Nations unies est la réalisation des objectifs du développement durable (économie bleue, emploi, développement équitable, répartition des richesses, accès aux services de base, changements climatiques…). Notre objectif est de reconfirmer ces priorités pour développer les sous-régions.
Quels sont les résultats attendus de cette réunion ?
Il y a des attentes spécifiques. Il s’agit notamment de formuler des recommandations et des suggestions concrètes de la part de tous les pays membres sur des thématiques de travail. Ces recommandations seront présentées au niveau du siège de la CEA pour être, par la suite, validées. Ce genre de réunions permet aux pays de partager leurs expériences et leurs connaissances.
A titre d’exemple, l’impact du commerce informel, l’emploi des jeunes, la gestion de l’eau et l’économie bleue étaient parmi les points évoqués lors de cette réunion.
La question de la migration été également discutée parce que l’Afrique du Nord est une région de transit, d’accueil et d’émission. Il faut, à mon avis, évoquer les flux migratoires comme un facteur positif pour développer les économies de cette région. Si la migration demeure traitée comme une problématique, elle aura une facture lourde sur ces pays.
L’UMA est presque à l’arrêt. Cela est dû, selon vous, à quoi ?
L’UMA essaye de faire des progrès partiels. Elle a beaucoup de potentiel de développement socioéconomique et d’intégration, mais il faut une volonté politique pour aller de l’avant. Le Maghreb est une région riche d’une jeunesse ouverte et bien éduquée.
Lors de votre d’intervention d’ouverture, vous avez déclaré que la CEA œuvre à mener la réflexion sur l’orientation des politiques des pays membres. Comment passe-t-on de la volonté politique à l’action économique ?
A mon avis, on n’a pas procédé à une évaluation des actions, des mesures économiques et des interactions entre différents domaines et différentes stratégies pour pouvoir créer une économie créatrice d’emplois.
Le secteur industriel, à titre d’exemple, demeure basé sur la sous-traitance. Celle-ci ne devrait plus, à mon avis, être la seule orientation industrielle. Il faut d’autres moyens de réorienter le développement sectoriel pour créer plus d’emplois pour cette jeunesse qui a de nouvelles compétences et tirer profit du développement technologique. Par exemple, pour le secteur textile, pour créer plus d’emplois, il faut créer plus de valeur ajoutée. Il faut monter en gamme et récupérer certains services développés par les entreprises étrangères installées dans notre région. Les jeunes ont besoin de plus de facilité pour entreprendre, d’un meilleur accès au financement, de flexibilité et d’investir.
Le président de l’Utica a proposé lors de la réunion d’organiser une session principale sur le renforcement de l’économie formelle. Qu’en pensez-vous surtout que l’économie et les emplois sont parmi les principaux objectifs de la croissance dans la région ?
L’informel a un grand impact négatif sur les économies de l’Afrique du Nord. Il touche directement les entreprises du secteur formel. On va réfléchir sur cette proposition au niveau de notre bureau à Rabat. La CEA a déjà travaillé sur l’informel et le commerce parallèle. Il faut identifier les outils et méthodes à utiliser.
Comment les données pourraient être au service de la transformation structurelle dans les pays de cette région ?
Les besoins en statistiques sont énormes. Nous sommes toujours en étroite collaboration dans le domaine des statistiques, du commerce, de l’investissement et autres. Nous espèrons que cette nouvelle institution STATAFRIC aidera à compléter l’écosystème statistique au niveau du continent.
Nous souhaitons travailler en partenariat avec tous les pays partenaires. Notre souhait est que nos efforts répondent réellement aux besoins des réajustements des politiques économiques mises en place. Il faut renforcer davantage le travail collaboratif et cette proximité pour mieux répondre aux priorités des pays.
La Tunisienne Mme Lilia Hachem Naas a été, depuis 2013, chef du Bureau pour les Etats arabes au Centre du commerce international (ITC) à Genève. Au cours de son mandat, elle a pu renforcer la position stratégique de l’organisation dans les pays arabes en développant d’une manière considérable le portefeuille de projets et en élargissant et renforçant les relations avec les institutions locales et régionales, les partenaires de développement et la communauté des donateurs.
Mme Naas a rejoint l’ITC en 1998, où elle a occupé divers postes de responsabilité : au Bureau pour l’Afrique, au Bureau pour l’Asie-Pacifique et à la Section de la compétitivité des secteurs. Elle a géré avec succès le Fonds fiduciaire néerlandais II (NTFII), un des plus larges programmes de l’ITC avec un budget de 16 millions de dollars américains. Elle a également occupé la position de chef du Programme de développement local de l’Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (UNITAR) où elle était responsable du développement stratégique et du renforcement des capacités des autorités locales dans la mise en œuvre des Objectifs de développement du millénaire (OMD).
Elle possède une vaste expérience dans la coordination de programmes complexes de développement du commerce, axés particulièrement sur le renforcement de la compétitivité des PME, l’amélioration de l’environnement des affaires, l’intégration régionale et la coopération sud-sud ainsi que le renforcement du rôle des femmes et l’employabilité des jeunes.
Diplômée de l’Université du Maryland, elle a à son actif un MBA en gestion des affaires internationales et un Master en Management du système d’information. Elle a également travaillé au Centre de promotion des exportations (CEPEX) en Tunisie et à Helwett-Packard (HP) aux Etats-Unis.