L’une des vertus de la Tunisie de l’après révolution est la disponibilité de données. Le bulletin de conjoncture publié par l’Agence de Promotion de l’Industrie et de l’Innovation (APII) est une mine d’information, même s’il s’agit d’investissements déclarés et pas nécessairement réalisés.
Pas de contradictions avec les chiffres de la FIPA
Le tableau de bord du bulletin de conjoncture montre que les intentions en matière d’investissements industriels ont augmenté de 2,6% durant les huit premiers mois de l’année. Elles atteignent 2,732 milliards de dinars, dont 1,317 milliard de dinars de nouvelles créations et 1,070 milliard de dinars totalement exportatrices. Par taille, les projets dont la mise initiale est supérieure à cinq millions de dinars ont consommé près de 70% de l’enveloppe totale, et sont au nombre de 133. Les investissements exclusivement étrangers n’ont pas dépassé le seuil de 510 millions de dinars, soit moins de 19% des montants à investir.
Mais si nous regardons les chiffres de l’Agence de Promotion de l’Investissement Extérieur (FIPA), nous constatons que les investissements industriels sont de l’ordre de 710,9 millions de dinars. L’écart vient du fait que les statistiques de l’APII reflètent ce qui est rédigé dans les fiches d’investissement, alors que ceux de la FIPA traduisent les investissements nets effectivement réalisés durant la période. Du point de vue économique, nous pensons que les chiffres de la FIPA sont plus intéressants, car ils offrent une image qui colle plus à la réalité.
L’agroalimentaire domine
Par secteur, peu de changements ont été observés par rapport aux mois précédents. Les industries agroalimentaires continuent à attirer le plus d’argent (753 millions de dinars) et ce, en dépit de leur recul de 21,1% par rapport à la même période en 2017. Les industries mécaniques et électriques (+3,9% à 604 millions de dinars) et les matériaux de construction, de la céramique et du verre (+5% à 445 millions de dinars) complètent le podium. Le plus grand investissement depuis le début de l’année reste la création d’une unité de traitement de silice pour un coût de 312 millions de dinars.
Une géographie toujours déséquilibrée
Par zone géographique, les régions de l’Est ont attiré 1,911 milliard de dinars d’investissement contre 820 millions de dinars seulement pour les régions de l’Ouest. Les zones de développement régionales ont attiré moins de 50% des investissements. Le nombre de projets bénéficiaires de la prime d’investissement dans ces zones est 113 jusqu’à la fin du mois de septembre. Cela représente moins de 4% du nombre total des projets. L’investisseur typique a plus tendance à investir dans les grandes villes de la côte, où les infrastructures sont nettement meilleures et le climat social est moins tendu, que d’aller chercher des avantages fiscaux ailleurs. Rien de fondamental n’a a changé depuis la révolution et la création de l’emploi dans les régions intérieures va toujours rester faible.
Où sont les IDE ?
Nous constatons que les plus grands projets à capitaux étrangers sont essentiellement des extensions. D’une part, c’est un bon signal car les investisseurs en place sont en train de confirmer leur présence en Tunisie. Mais d’une autre part, cela signifie aussi que le pays peine à attirer de nouveaux investisseurs. D’ailleurs, selon l’étude “Attractiveness Program Africa”, la Tunisie ne figure pas dans le Top 15 africain des pays ayant attiré le plus de projets d’IDE en 2017. Il faut donc travailler davantage pour promouvoir le site Tunisie. La redéfinition de la grille des avantages pourrait contribuer à améliorer la part des investisseurs étrangers. Cela s’impose car de l’autre rive de la Méditerranée, les pressions sont de plus en plus fortes sur les entreprises qui veulent délocaliser leurs productions dans des pays comme le nôtre.