L’inclusion et l’union maghrébine passe nécessairement par l’économie et les banques. Tel est, entre autres le message principal du Sommet bancaire maghrébin qui se déroule les 7 et 8 novembre 2018, à Tunis. Ce sommet se déroule sur le thème de « L’évolution de l’activité bancaire : Défi et perspectives pour les banques maghrébines ». Organisé par l’Union des banques maghrébines, l’événement ouvre le débat sur la possibilité de l’intégration à travers les banques de la région.
Lors de son intervention, le président de l’Union des banques maghrébines et directeur général de la Banque islamique libyenne, Abdelfattah Sghaïer Ghaffar a affirmé que les banques maghrébines et les institutions financières ont les mêmes soucis.
Il a estimé que les technologies bancaires évoluent à un rythme très rapide. Ainsi les banques maghrébines financières doivent s’adapter aux nouveautés technologiques, afin de satisfaire les clients de plus en plus exigeants. De même cela va permettre de faire face à la concurrence internationale.
La préparation s’impose face à la concurrence mondiale
Ne pas se conformer aux exigences internationales en matière bancaire, pourrait avoir des répercussions négatives sur les banques. Dans certains cas, les banques ne veulent pas coopérer avec d’autres banques qui ne se conforment pas aux standards internationaux.
L’intervenant a indiqué que le financement islamique peut ouvrir plusieurs perspectives. « C’est un outil efficace », lance-t-il. Sur un autre volet, il a regretté que les échanges commerciaux entre les pays maghrébins demeurent en deçà des attentes. Les banques et les institutions financières ont un rôle à jouer pour améliorer la situation. D’où la nécessité de démanteler les barrières.
Reconstruction de la Libye : les Maghrébins sont prioritaires
Sur un ton ému, Jamal Tayeb Abdelmalek, président du Conseil d’Administration de la Banque du commerce et du développement a formulé le souhait de voir un jour la concrétisation d’un vieux rêve. Ce rêve n’est autre que le dinar maghrébin uni. Par ailleurs, il a indiqué que les pays maghrébins ont signé une convention sur la monnaie unique, mais qu’elle reste encore lettre morte. Dans le même contexte, il a indiqué que les fonds libyens bloqués pourraient être déposés dans les banques tunisiennes après l’annulation du gel. D’après ses estimations, l’argent libyen déposé dans les banques étrangères est de l’ordre de 39 milliards de dollars. Le coût de la reconstruction de la Libye s’élève à 150 milliards de dollars. Les pays maghrébins doivent être prioritaires dans la phase de reconstruction, continue-t-il.
Le secrétaire général de l’UMA, Taïeb Baccouche a plaidé pour le renforcement du travail en commun entre les pays maghrébins. Il a appelé à s’adapter aux innovations technologiques et à l’économie du savoir. Pour lui, il faut améliorer le système bancaire maghrébin.
« Instaurer un marché maghrébin commun n’est plus un choix », déclare-t-il. L’amélioration de la situation passe aussi par l’implication du secteur privé, d’après lui. Suite à la séance d’ouverture, le premier panel a braqué la lumière sur le rôle des banques dans l’inclusion économique maghrébine.
Intégration maghrébine : les peuples n’ont pas attendu la classe politique
Mohamed Safouene Ben Aïssa, docteur en Économie et Directeur Advisory chez KPMG Tunisie, a considéré que l’Union maghrébine dispose d’un bilan positif en matière de mobilité. Pour lui, les Tunisiens et les Libyens ont battu tous les records en matière de tourisme médical et tourisme balnéaire entre les deux pays. Par ailleurs, il a rappelé que le secteur informel pèse très lourd entre les deux pays. Les peuples maghrébins n’ont pas attendu le cadre adéquat pour la mobilité et le commerce. Et faute de cadre, ils ont agi de leurs propres soins.
Quand les opérateurs et le secteur privé prennent le dessus sur la classe politique maghrébine
L’économiste et universitaire, Hechmi Alaya ne manque pas de rafraîchir les ardeurs sur l’avenir sur Maghreb. Pour lui, il s’agit du rêve de politiciens. Les politiciens ont fait un rêve sans fondement. Les problèmes ont commencé suite à la convention de Marrakch en 1989. A l’époque les signataires n’étaient même pas unanimes sur l’appellation. Certains optaient pour l’Union du Maghreb, quand d’autres optaient pour l’Union du Maghreb Arabe.
Les différences au niveau de la langue persistent chez l’élite maghrébine. Certains s’expriment en arabe, tandis que d’autres s’expriment en français. Ainsi, l’intervenant a recommandé plus de réalisme. Il a recommandé aussi d’améliorer les échanges entre les différents pays maghrébins. De même, il a souligné l’importance de faciliter la mobilité pour tous les citoyens dans l’espace maghrébin. Et les efforts déployés par les opérateurs qui se mobilisent pour le renforcement économique entre les pays maghrébins.
Est-ce vraiment la faute des politiciens ?
« Les politiciens doivent cesser de mentir, car ils prônent un modèle économique où l’État domine l’économie », accuse-t-il. Il annonce que l’intégration maghrébine est impossible tant que les Etats monopolisent l’économie, les banques et plein d’autres secteurs. Hechmi Alaya considère que chaque pays maghrébin doit adopter un modèle économique qui se base sur la liberté de l’initiative et de l’individu.
L’économiste a rappelé que chaque pays maghrébin mène les négociations avec l’Union européenne de son côté. Pour lui, les pays maghrébins auraient dû s’unir et négocier avec l’Union européenne comme une seule entité.
Le professeur d’économie et membre du collège de l’autorité des marchés financiers (AMF), Christian De Boissieu considère que les banques maghrébines font face à des défis. Le premier défi est l’impératif des fonds propres. Il a rappelé que les analystes évaluent la bonne santé d’une banque à travers les fonds propre durs. Ainsi les banques maghrébines sont dans la course aux fonds propres. Pour avoir plus de fonds propres, il faut avoir de la rentabilité, explique-t-il.
Le deuxième impératif est celui de la course à la taille. Le troisième impératif est l’impératif technologique. Ainsi, les banques maghrébines se trouvent face à une concurrence mondiale causée par la technologie. D’ailleurs quelques banques européennes ont acheté des plateformes de fintech.
Le directeur général de la Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur (BMICE) a indiqué que l’intégration maghrébine est devenue une nécessité pour éviter les pertes d’emploi et de croissance.
Revenant sur l’historique de la BMICE, il a rappelé que la décision de sa création remonte à 1995. Cependant, cette décision politique n’a pas été appliquée pendant 25 ans. En 2015, tous les gouvernements maghrébins ont décidé d’agir au sujet de la banque. De ce fait en décembre 2015, une réunion constitutive a eu lieu et la banque a bénéficié d’un statut juridique. Il a affirmé que la stratégie de la banque a été élaborée pendant deux ans. Lors de l’élaboration de la banque, il a été pris en considération les expériences étrangères, sans oublier les spécificités du Maghreb. Le recrutement au sein de la banque a été fait sur la base de la compétence uniquement.
Enfin, depuis 2018, la banque est devenue opérationnelle. Elle a réalisé dix opérations de financement. A noter que la banque ne finance que les projets qui prônent l’intégration ( travail en commun entre deux entreprises maghrébines à titre d’exemple, importation/exportation vers un pays maghrébin, une entreprise maghrébine voulant travailler dans un autre pays maghrébin).