Quel bilan peut-on dresser des indicateurs macro-économiques de l’année 2018 ? Quelles sont les solutions pour le budget économique 2019 ? Salma Zouari, professeur universitaire en sciences économiques et membre du think tank Solidar Tunisie, livre une analyse complète de la situation économique. Interview.
En 2018, les réalisations des indicateurs macro-économiques seront-elles meilleures que les prévisions ?
Selon les estimations provisoires, le budget économique 2018 a visé un ensemble d’objectifs qui ne se réaliseront que partiellement. Il a notamment cherché à limiter les déséquilibres macroéconomiques.
En matière de finances publiques, l’objectif d’un déficit budgétaire de 4.9% sera vraisemblablement réalisé et le taux d’endettement (71.4%) sera inférieur au taux objectif (72.3%). Mais cette performance proviendra d’une pression fiscale plus importante (23% taux estimé contre 22% projeté).
S’agissant du déficit courant, en dépit du glissement de la valeur du dinar, les objectifs ne seront pas réalisés. Le déficit courant s’élève à -10470.2 MD, dépassant largement l’objectif de -8700.8 MD. Ainsi, le taux de déficit courant s’élèvera à 9.9% du PIB, contre un taux projeté de 8.2%. Finalement, alors qu’on souhaitait maintenir le taux d’inflation à 5.8%, on réalisera vraisemblablement un taux de 7.8%. L’inflation enregistrée et l’aggravation du déficit courant sont à leur tour à l’origine de la perte de valeur du dinar observée en 2018.
Pourquoi ces contre-performances ?
En réalité, les indicateurs relatifs aux équilibres macroéconomiques résultent des performances de l’économie en matière de croissance, de maîtrise de la consommation. Mais aussi, de relance des investissements et de pénétration des marchés étrangers, voire d’ouverture sur l’extérieur.
Les estimations provisoires montrent que les performances visées pour 2018, ne seront que partiellement réalisées. C’est ainsi que le taux de croissance économique se limiterait à 2.6% contre un taux visé de 3.1%.
Même si, comme projeté, cette croissance provient essentiellement des activités marchandes (et c’est un très bon résultat), les divers secteurs marchands ne contribueront pas de façon équilibrée à la croissance. La croissance résulterait dans une très large mesure de l’exceptionnelle performance des secteurs agricole et touristique. Les services (hors tourisme) et les secteurs industriels ne seront pas au rendez-vous, à cause d’un environnement des affaires dissuasif. Certains secteurs comme le bâtiment ou les télécommunications, ont subi l’effet négatif d’une fiscalité invasive. Les industries extractives (mines et hydrocarbures) restent sinistrées et marquées par des tensions politiques et par une forte polarisation. Elles ont eu un impact négatif sur les industries chimiques.
Le manque à gagner correspondant demeure énorme en matière de valeurs ajoutées et d’exportations.
Quelles en sont les conséquences ?
Il résultera de l’insuffisance de la croissance par rapport à celle projetée, d’une part de moindres efforts d’investissements. Et d’autre part, une moindre production exportable, voire un commerce extérieur moins performant que ses objectifs.
En effet, en matière d’investissement, le taux de croissance nominale (8.3%) demeure largement inférieur au taux projeté (13%). Le taux d’investissement par rapport au PIB est resté très faible (18.4%) et inférieur à l’objectif de 20%.
Ensuite, en matière de commerce extérieur, selon les estimations provisoires, les exportations de biens et services n’augmenteraient que de 2.3% contre un taux projeté de 5.3%. Par contre, plutôt que de croître de 4.3%, les importations de biens et services auraient baissé (-0.6%).
Finalement, l’objectif de maîtriser la consommation ne serait pas réalisé puisque le taux de consommation par rapport au PIB (92.3%) dépassera le taux prévu (90%), alors même que ce taux est excessivement élevé.
Que peut-on faire ?
Ainsi, face aux performances économiques observées en 2018, le budget économique 2019 devra s’atteler à consolider les avancées positives et à corriger celles qui ont été négatives.
En outre, le gouvernement devra poursuivre réellement les objectifs qu’il définit dans le budget économique et mettre en œuvre de véritables plans d’action pour les réaliser.