« La Tunisie démocratique est en train de prendre le mauvais chemin dans sa lutte contre le terrorisme « . Ainsi titrait un article publié récemment dans le Washington Post. Les journalistes Sharan Grewal et Shadi Hamid conseillent aux autorités tunisiennes de préserver les acquis démocratiques de la Tunisie. Car elle est l’une des seules démocraties du Moyen-Orient.
Après l’attentat perpétré sur l’avenue Habib Bourguiba, le 29 octobre, le président du parlement tunisien a proposé d’accélérer l’examen d’un projet de loi permettant aux forces de sécurité une plus grande liberté d’action dans leurs opérations. Le projet de loi n° 2015/25 intitulé « Rejet des agressions contre les forces armées » a pour but de protéger les forces de sécurité contre les attaques terroristes.
Mais, les journalistes du Washington Post nous alertent sur le fait que ce projet de loi pourrait donner lieu à des dérives. Selon eux, cette loi pourrait être utilisée à l’encontre des journalistes et des lanceurs d’alerte pour faire taire les critiques sur leur conduite parfois pas très loyale. Le recours à la force contre les manifestants ne sera plus sanctionné, dénoncent-ils.
En 2017, les observateurs de Human Rights Watch avaient même écrit à l’ARP pour signaler que ce projet de loi était inconstitutionnel et contraire aux engagements internationaux de la Tunisie. Car il ne respecte pas les droits de l’Homme en matière de respect du droit à la vie et de lutte contre l’impunité. Sans parler du droit à la liberté d’expression.
A chaque attentat, les élus ressortent ce projet de loi qui peut être une menace pour notre démocratie naissante. Donner plus de liberté aux policiers ne va pas améliorer la lutte contre le terrorisme. Bien au contraire. D’après les journalistes, ce serait même contre-productif.
Terrorisme et projet de loi Rejet des agressions contre les forces armées
Dans leur article, les journalistes du Washington Post affirment que « les arrestations ont augmenté en Tunisie, en particulier envers les personnes suspectées d’être des salafistes. L’organisation mondiale contre la torture a signalé qu’il y a eu 631 cas de torture en Tunisie entre 2013 et 2016. Amnesty International a pointé le recours excessif à la force et à des restrictions de voyage arbitraires. Souvent imposées de manière discriminatoire sur la base de l’apparence, des pratiques religieuses ou de condamnations pénales antérieures. »
Pour eux, de tels abus policiers au lieu d’aider cette lutte contre le terrorisme, l’aggravent. « Une étude réalisée en 2018 par l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques cite 83 terroristes interrogés dans les prisons tunisiennes. Cette étude a révélé que pour 90% d’entre eux, leur radicalisation avait augmenté par la répression à leur égard. »
Les journalistes concluent : « Au lieu de recourir à la violence, la Tunisie devrait s’attaquer aux causes du terrorisme. Ainsi le pays devrait s’investir dans l’emploi des jeunes diplômés, à combattre la pauvreté et à réformer le secteur de la sécurité sociale. »