Il est plus que nécessaire de comprendre l’impact des mesures sectorielles sur la recette budgétaire. Mais plus encore quelles sont les mesures fiscales qui peuvent être adoptées ? Lobna Jeribi présidente du Think Tank Solidar Tunisie livre son analyse. Interview:
Quel est l’impact des mesures sectorielles sur la recette budgétaire ?
Le problème provient justement du fait d’étudier les mesures fiscales. A titre d’exemple, seulement sous l’angle des recettes budgétaires, et non de leur impact sur le tissu économique.
Oui, les augmentations des droits de douane, des droits de consommations et TVA ont permis à l’Etat de collecter des recettes fiscales en 2018. Ces augmentations n’ont pas pour autant rationaliser les importations. L’impact direct de ces taxations est l’augmentation des coûts des entrants. Ce qui touche la compétitivité de notre secteur industriel et l’augmentation du taux d’inflation. Ce qui touche entre autres le pouvoir d’achat des citoyens.
On salue la mesure du projet de la Loi de Finances 2019. Ce PLF stipule une baisse des droits de douane de 30% (instauré en 2018) à 15 % et de 19 à 7% de la TVA pour les panneaux photovoltaïques. On espère que cette mesure soit généralisée à tous les secteurs prioritaires existants dans la loi d’investissement. De telle sorte qu’elle touche directement les produits qui constituent les intrants, sans oublier la nécessité de supprimer les droits de consommation à tous les intrants de production.
Pour toutes ces raisons, nous avons proposé à l’administration fiscale d’établir en amont des études d’impact globales des mesures fiscales, à l’instar de ce que font les pays développés.
Ces études doivent être obligatoires, accompagnant chaque LF, pour donner les moyens à l’ARP d’évaluer les avantages et les risques inhérents aux mesures proposées.
L’administration fiscale doit être renforcée en terme de capacités pour pouvoir accomplir l’ensemble de ces consultations et études d’impact en amont de la mise en œuvre des LF.
En plus des études d’impact, il y a lieu d’effectuer des études de faisabilité. Et c’est pour que les mesures votées et non appliquées ou avec de grandes difficultés de mise en œuvre, à l’instar des caisses enregistreuses ou de la police fiscale, etc., voient le jour.
Enfin, nous observons des divergences entre les orientations d’encouragement à l’investissement établies par le ministère de l’Investissement et celles du ministère des Finances.
En instaurant la convergence offshore-onshore, le projet de la Loi de Finances 2019 a choisi des secteurs (prioritaires avec une grande valeur ajoutée) qui sont différents des secteurs prioritaires existants dans la loi d’investissement. Il s’agit là d’une aberration, à partir du moment où on dispose de deux listes différentes concernant les secteurs prioritaires. C’est pourquoi, les deux ministères devraient harmoniser leurs listes afin que tous les secteurs prioritaires bénéficient des mêmes avantages, notamment du taux de 13,5% de l’IS.
Quelles sont les mesures fiscales qui manquent dans cette nouvelle loi 2019 ?
La baisse du droit de douane et des droits de consommation essentiellement sur les produits à forte consommation et qui n’existent pas, qui sont principalement disponibles au niveau du marché parallèle.
Nous rappelons que cette mesure a été efficiente surtout dans la Loi de Finances 2016 qui a réduit des droits de consommation sur certaines boissons alcoolisées (liqueurs, eau de vie…etc.). La baisse du droit de consommation et des droits de douane sur les intrants malgré leur importance dans la chaîne de production et la compétitivité des entreprises. Rappelons que le principe du droit de consommation consiste en le fait que cette taxe est appliquée au produit fini.
Et en termes d’investissement ?
Il s’agit notamment de mesure de socle social pour les employés d’une entreprise. Dans le but d’inciter cette dernière à assurer le transport de ses employés et dont la charge sera déductible de l’IRPP.
De même que la suspension du matricule douanier pour les importateurs n’ayant pas déclaré. Cette mesure devrait permettre le renforcement du contrôle douanier.
Parmi les éléments de la réforme fiscale, on trouve la limitation des exonérations de la TVA. Or les opérations de protection des films et des séries télévisées et la production/distribution/projections des spectacles musicaux, théâtraux ne sont pas soumises à la TVA.
Enfin, la digitalisation de l’administration permettra de réaliser l’interconnexion et le recoupement de l’information. Et ce, afin de permettre à l’administration de combattre l’évasion fiscale et de lutter contre le marché parallèle.