Le mathématicien et cofondateur de plusieurs universités tunisiennes, Mohamed Jaoua, a appelé les pouvoirs publics à réviser leur approche concernant les universités privées. Il propose de supprimer la dichotomie enseignement public / enseignement privé.
Lors d’une conférence-débat (1) qui porte sur l’enseignement universitaire privé en Tunisie, organisé par l’association « Forum Ibn Khaldoun pour le développement », Mohamed Jaoua a plaidé pour la mise en place d’un partenariat public-privé concernant ce sujet. Pour lui, les universités privées doivent s’inscrire dans une démarche de qualité et de respect des standards internationaux.
Par ailleurs, les universités publiques doivent dépasser leurs crispations idéologiques. Par ailleurs, il a indiqué que la mission de l’Etat, dans ce domaine, se limite à la fonction de régulation et de contrôle du secteur universitaire public et privé.
Pour lui, la fonction de l’Etat prescripteur, sur la base d’une vision datant pour l’essentiel du siècle passé, est désormais contre- productive, illustrée par « les cohortes des diplômés sans emploi que l’université publique produit sans discontinuer depuis des décennies ». L’intervenant a plaidé, entre autres, pour briser les barrières entre université privée et université publique. A cet égard, il affirme que l’université de demain doit être repensée comme un tout en dépassant la dichotomie public-privé. Et à favoriser la créativité et la diversité dans le cadre du respect des standards universellement admis en la matière.
De la nécessité de booster les universités privées
L’interlocuteur a fait savoir que l’enseignement supérieur privé tunisien n’a été réglementé qu’en 2000. Cette réglementation intervient dans un contexte marqué par une forte croissance des effectifs des bacheliers. Cependant, « près de vingt ans après la promulgation de cette loi et des dispositions de soutien y afférentes, l’université privée peine à jouer le rôle qui lui avait été assigné ».
Il a fait remarquer que les effectifs des universités ont certes augmenté. L’objectif de 30 000 étudiants et 10% des effectifs universitaires du pays assigné à l’année 2006 n’a été atteint qu’en 2014 et depuis les effectifs plafonnent à ce palier. Il a rappelé que le nombre d’établissements d’enseignement supérieur a, dans le même temps, explosé passant d’une dizaine en 2006 à plus de 75 aujourd’hui. Le mathématicien a considéré que « de nombreux opérateurs ont, en effet, vu dans la désaffection des bacheliers envers des universités publiques, peu performantes sur le plan de l’employabilité, une opportunité d’affaires sans qu’ils soient en mesure d’en maîtriser les savoir-faire ».
Incapacité de séduire les étudiants étrangers
Pour lui, deux universités privées ont pu se distinguer du lot : « Seuls deux établissements d’enseignement émergent du lot en totalisant à eux seuls plus du tiers des étudiants et des diplômés ». Une demi-douzaine d’autres comptent un millier d’étudiants ou plus. Cependant, l’intervenant a affirmé que les établissements restants ont des effectifs très réduits. A cela s’ajoute l’ incapacité des universités « de respecter les standards universitaires minima en termes d’encadrement, de staff académique permanent, de qualification de ce dernier, d’équipements, de recherche scientifique et de renouvellement pédagogique ».
Si les universités tunisiennes veulent attirer un maximum d’étudiants étrangers, la réalité est tout autre. A un certain moment, quelques universités ont pu compter 50% d’effectif d’étudiants étrangers. Cependant, « la révolution et l’insécurité qui l’a accompagnée, jointes à la médiocrité de l’accueil et aux procédures administratives dissuasives, ont eu raison de ces espérances ». Ainsi, la différence est grande. Aujourd’hui, le nombre d’étudiants étrangers n’atteint pas encore 4500. Ce chiffre représente 15% des effectifs du secteur privé.
(1) article rédigé à partir de la synthèse de la conférence.