Peut-être faudrait-il un jour penser à inclure dans notre valeureuse Constitution un petit article ou même un petit alinéa dans le chapitre relatif à la protection des droits des Tunisiens et de la réputation de leur pays contre les abus des politiciens qui prétendent les représenter et parler en leur nom. Parmi ces abus les plus insupportables figurent les humiliations infligées au peuple tunisien par des responsables politiques. On se rappelle en février 2017 la « sortie » de l’ancien président Moncef Marzouki sur « Al Jazeera » quand il s’est répandu en insultes contre le peuple tunisien qu’il accusait de « favoritisme, corruption, fainéantise, mensonge et hypocrisie. »
La semaine dernière c’était au tour de l’homme politique Slim Riahi de faire sa « sortie » sur France 24 où il a donné une image peu glorieuse de la Tunisie. Les étrangers qui suivaient l’intervention de Slim Riahi sur la télévision française ne peuvent pas ne pas intérioriser l’idée que la Tunisie est une terre de complots, de manœuvres criminelles et de coups bas.
Car, les étrangers ne savent rien des casseroles bruyantes que Slim Riahi traîne derrière lui depuis sa soudaine irruption sur la scène politique tunisienne, ni de l’origine de ses milliards, ni des poursuites en justice dont il fait l’objet. Par conséquent, ils n’ont pas de raison de ne pas prendre ses allégations pour argent comptant.
Pourtant, l’histoire est abracadabrante. Elle relève beaucoup plus d’un mauvais film d’espionnage que de la réalité. Le public tunisien et les téléspectateurs étrangers sont priés de croire sur parole le fondateur de l’Union Patriotique Libre, devenu Secrétaire général de Nidaa Tounes, quand il parle de « complot » ourdi par Youssef Chahed et ses amis pour se débarrasser du président de la République.
Le « complot » aurait été conçu et ficelé au cours… d’une cérémonie de circoncision du fils du député Youssef Jouini dans le quartier de « Hay Attahrir ». Y-a-t-il meilleur endroit ou meilleure circonstance pour fomenter un complot d’une telle gravité ? Un complot qui vise non seulement le renversement du président légitime avant mars 2019, mais aussi l’annulation d’un trait de plume de tous les acquis de la « révolution » et le retour au régime dictatorial. Oui, mais comment le dictateur en herbe Youssef Chahed va-t-il surmonter l’opposition du puissant parti islamiste pour mener à bien son projet ?
Les comploteurs auraient, parait-il, pensé à tout. Selon les défenseurs vigilants de la démocratie tunisienne qui ont découvert le pot aux roses et l’ont mis entre les mains de la justice militaire, Youssef Chahed et ses amis ont prévu de mettre Rached Ghannouchi à la place de Béji Caïd Essebsi et de procéder aussitôt après à l’opération d’ « effritement » d’Ennahdha de l’intérieur. Dans un communiqué, Nidaa Tounes a confirmé ce scénario ubuesque.
On reste pantois face à de telles débilités. Visiblement Nidaa Tounes ne recule devant rien pour régler ses comptes avec Youssef Chahed. Son incapacité à faire subir à l’actuel chef de gouvernement le même sort que son prédécesseur Habib Essid a rendu le parti et ses actuels responsables hystériques, au point d’inventer les histoires les plus invraisemblables.
Le parti de Béji Caïd Essebsi, ou ce qui en reste, continue sa descente aux enfers, et ce n’est pas son tout nouveau secrétaire général qui est en mesure de renverser la tendance. Celui-ci, au lieu de sauver la Tunisie de complots imaginaires, aurait mieux fait de se pencher sur ses propres problèmes engendrés par une gestion douteuse de ses propres affaires, vu le nombre de procès en justice dont il fait l’objet. Sans parler de son passage catastrophique à la tête du Club africain où il a laissé un trou financier de plus de 60 milliards.
Si, par cette histoire abracadabrante de complot, Slim Riahi pense pouvoir détourner l’attention focalisée sur ses propres affaires, il ne peut pas réussir pour une raison simple : le bruit des casseroles qu’il traîne derrière lui est toujours assourdissant.