Dans un rapport sur les banques africaines (Banks – Africa : 2019 Outlook), l’agence de notation américaine Moody’s a amélioré les perspectives du secteur, passant de « négative » à « stable ».
Une opinion valable pour une période allant de 12 à 18 mois.
Que de bonnes perspectives
L’agence américaine a justifié sa décision par l’amélioration de la croissance économique du continent et le durcissement du cadre réglementaire. Plusieurs pays sont en train de mettre en place les règles de Bâle II/III et de l’IFRS 9. Ces mesures renforceront l’assise financière du secteur. Déjà, les banques africaines affichent un ratio de fonds propres de l’ordre de 10% au-dessus de la moyenne mondiale (7,7%).
L’agence table sur une croissance de 3,8% en 2019 contre 3,1% durant l’année en cours. Quelques pays vont se distinguer selon le rapport, à savoir l’Egypte, les pays de l’Afrique de l’Est et ceux de L’Union économique et monétaire Ouest-Africaine. Cette croissance, considérée comme inférieure au potentiel de la région, va accélérer la croissance du crédit (+10%) et réduire les créances raccrochées.
Mais le continent n’est pas à l’écart des risques auxquels l’économie mondiale fait face, essentiellement la hausse des taux d’intérêt et les tensions sur le commerce international. Les hausses successives des taux américains auront des conséquences négatives sur les niveaux de l’endettement et les devises des pays émergents.
Globalement, l’Afrique offre aux banques un potentiel unique. Le taux de pénétration demeure faible, avec des actifs bancaires qui représentent seulement 63% du PIB du continent. L’inclusion financière est dans ses premiers pas, alors que la demande est forte grâce à une urbanisation croissante. Le gap est en en train de se réduire par l’utilisation des nouvelles technologies, notamment les applications mobiles. C’est un moyen parfait pour minimiser le coût de la bancarisation d’une population pauvre. Le retour sur fonds propres du secteur pour 2019 est estimé à 16,5% et le rendement des actifs est de 1,9%, des niveaux alléchants pour ceux qui cherchent à investir. De plus, le cadre opérationnel devrait s’améliorer avec moins de pression sur les marges d’intérêt. Le coût du risque serait dans la fourchette 1-2% de l’encours de crédit et les charges d’exploitation devraient augmenter vu les investissements en systèmes d’information.
Les banques tunisiennes affichent quelques qualités
Dans ce rapport, les banques tunisiennes sont parmi les plus risquées comme celles de la Tanzanie et de la République Démocratique du Congo ! A l’autre bout du spectre, les établissements marocains, égyptiens et mauriciens affichent une bonne solidité.
Le problème majeur des établissements tunisiens est clairement le rapport crédits/dépôts. Ce ratio est tellement élevé que nous ne sommes devancés que par l’Afrique du Sud. Nous sommes presque à 120% alors que nos amis marocains sont à moins de 100%. Le potentiel de croissance qu’offre le Royaume est plus intéressant que le nôtre, mais en même temps les actifs détenus par les banques tunisiennes sont plus liquides. Nous comprenons donc le fondement de la décision de la BCT de mettre des limites à ce ratio.
En dépit de cet avis négatif, les établissements tunisiens offrent quelques points positifs. En matière d’exposition aux titres souverains, ils affichent une meilleure structure bilancielle. Pour les banques africaines, le rapport évoque une moyenne de 1,5x les fonds propres. Lorsqu’on ajoute les dettes accordées aux entités publiques, ce ratio augmente à 2x. Ce ratio est beaucoup plus intéressant que celui affiché par les banques marocaines, bien que notre marché secondaire reste peu dynamique.
La Tunisie est également assez bien classée en termes de solidité financière. Ses ratios restent supérieurs à la moyenne mondiale, mais faibles par rapport aux autres pays africains qui disposent d’établissements nettement mieux capitalisés. En particulier, les banques marocaines restent solides, mais le rapport souligne que l’expansion africaine cache de probables défaillances au niveau du contrôle.
Ce risque reste, néanmoins, plus que compensé par la forte profitabilité des investissements étrangers. Aux établissements tunisiens de penser sérieusement à se développer en dehors de leurs frontières.