L’étude analytique publiée aujourd’hui à Tunis sur «Les dessous des contrats d’hydrocarbures» a le mérite de démontrer les faiblesses et anomalies du secteur des hydrocarbures en Tunisie et de présenter les recommandations nécessaires pour améliorer ses performances.
La question des ressources naturelles, notamment les hydrocarbures, a, depuis le déclenchement de la révolution tunisienne en 2011, été au centre des débats publics et l’une des raisons des mouvements sociaux (campagne Winou El Pétrole lancée en 2015, les protestations dans le champ gazier de Petrofac à Kerkennah, l’affaire du champ El Menzel et la suppression en 2018 du ministère de l’Energie…).
La Tunisie baigne-t-elle dans le pétrole ?
L’étude en question a essayé d’apporter des éclaircissements à ces différentes interrogations : la Tunisie baigne-t-elle dans le pétrole ? Pourquoi n’y a-t-il pas assez de pétrole en Tunisie à l’instar de ses voisins algérien et libyen ? Quel rôle jouent les entreprises étrangères installées en Tunisie dans l’exploitation des ressources naturelles ? Le cadre réglementaire actuel est-il suffisant pour faire face à la corruption et les conflits d’intérêts dans le secteur des hydrocarbures ?
Depuis 2010, la Tunisie a perdu environ 50% de ses capacités de production en pétrole. Celle-ci est passée de 87000 barils par jour en 2010 à 34000 barils par jour. Cela est dû essentiellement à la baisse des investissements dans cette activité.
Cette baisse s’explique souvent par les changements au niveau des prix sur le marché mondial, les problématiques de gestion et de contrôle et la hausse des mouvements sociaux dans les zones de production notamment dans le Sud tunisien.
Interpellé par leconomisitemaghrebin.com sur la réalité du secteur pétrolier en Tunisie, Charfeddine Yakoubi, chargé de la communication à l’ATCP, a souligné que les réserves et la capacité de production en pétrole de la Tunisie sont très limitées. Et d’ajouter que la probabilité de trouver du pétrole en Tunisie est faible. Elle est de 20% au Nord-Ouest et ne dépasse guère les 50% dans le Sud tunisien.
Principales défaillances
Les principales problématiques de ce secteur relevées par l’étude sont essentiellement liées à la gestion, la gouvernance, la transparence et la confiance. Sur le plan technique, les fragilités sont liées au non-respect des délais d’exploitation et des prolongations des permis de concessions.
Plusieurs dépassements et fragilités qui risquent de perturber davantage le secteur doivent faire l’objet d’audit ou l’ouverture d’enquêtes. Plusieurs concessions sont actuellement hors-la-loi pour absence de prorogation de la durée des permis et concessions.
A titre d’exemple, le non-respect des délais concerne 22 permis. Selon les résultats de l’étude, neuf concessions prendront fin d’ici 2020, mais aucune décision n’a été prise sur le sort des contrats signés. Six permis ont été gelés en 2014 sans se conformer au Code des hydrocarbures. Trois permis ont dépassé les délais de renouvellement. 14 cas ont été enregistrés au niveau du dépassement de la durée de prolongation des permis. En 2015, la Tunisie a été sanctionnée par l’Instance internationale spécialisée d’une amende de 20 millions de dinars pour non-respect des règles de gouvernance en la matière. Cinq cas de prolongation illégale de permis ont été signalés par l’étude.
D’autres cas relatifs au conflit d’intérêts nécessitent des investigations plus approfondies pour pouvoir détecter les défaillances.
Recommandations de l’ATCP
Les experts sont aujourd’hui unanimes sur la nécessité de revoir le Code des hydrocarbures qui n’encourage pas l’investissement dans ce secteur dominé par des investisseurs de petite taille ou moyenne. Ils ont formulé une série de recommandations :
- Mise en place d’une stratégie globale qui couvre toutes les ressources énergétiques conventionnelles et renouvelables pour fixer un cadre réglementaire conforme aux règles de bonne gouvernance et de transparence et attirer plus d’investissements ;
- Procéder à un audit complet en matière de gestion et de renforcement du contrôle parlementaire sur le secteur des hydrocarbures ;
- Moderniser et renforcer le rôle de la Direction générale des hydrocarbures par les ressources humaines et matérielles ;
- Clarifier les missions de l’ETAP et la restructurer de façon à élargir davantage son champ d’action vers l’exploitation pétrolière en tant qu’opérateur économique de premier plan dans ce secteur ;
- publication détaillée des chiffres relatifs aux revenus des sociétés pétrolières ;
- L’obligation de publier les contrats d’hydrocarbures et les rapports de la commission consultative des hydrocarbures ;
- Faire face aux conflits d’intérêts ;
- Adhérer à la convention internationale relative à la transparence des industries extractives ;
- Le renforcement du rôle de la société civile dans l’amélioration de la gouvernance.