L’institut londonien Center for Economics and Business Research (CEBR) vient de publier son rapport pour l’année 2019. Un document riche de 240 pages qui anticipe les principales tendances économiques à l’horizon 2033.
En effet, le rapport affirme que la Chine sera la première puissance économique mondiale en 2032. La France prendra la 6ème place en 2019, profitant de l’impact du Brexit sur la Grande-Bretagne. L’Inde dépassera les deux pays en 2019 ou en 2020. La Corée du Sud détrônera l’Italie du Top 10 mondial en 2026. La baisse des prix du pétrole conduira l’Arabie Saoudite en dehors du Top 20 en 2028. Mais quel avenir dresse le CEBR pour nos pays maghrébins ?
La Tunisie : optimisme prudent
Ainsi, le rapport présente la Tunisie comme ayant une économie basée sur les exportations. Avec un important secteur touristique qui affiche une résistance en dépit des contextes politique et sécuritaire fragiles. Ces segments suivent une tendance haussière qui permettrait à l’économie d’atteindre une croissance de 2,4% en 2018. Soit son plus haut niveau sur quatre ans.
Mais ce tableau positif est gâché par un chômage élevé, une inflation galopante et une série de décisions impopulaires de réduction des dépenses publiques. Le rapport fait référence à la grève générale de novembre dernier et table sur d’autres contestations sociales en 2019.
Par conséquent, cette instabilité est capable d’affecter les IDE et la croissance sur le court terme. La dette publique est passée de 39% du PIB en 2010 à 70% aujourd’hui. Et l’assainissement budgétaire est inévitable pour faire face à cette spirale. Mais le mécontentement de la population peut conduire le Gouvernement à dévier de ses objectifs.
En outre, selon les estimations du CEBR, le PIB tunisien va croître de 2,9% et de 3,4% respectivement en 2019 et 2020. Le tourisme et les IDE sont les principaux drivers de cette croissance.
De plus, l’institut tient même compte du récent crédit saoudien (500 millions de dollars) avec un taux bonifié et son engagement à financier deux projets majeurs. Le CEBR estime encore que la Tunisie passerait de 96ème position de son classement (World Economic League Table) actuellement à la 91ème en 2033. Le PIB 2033 atteindrait 127,5 milliards de dinars.
L’Algérie : la dépendance à l’hydrocarbure inquiète
En ce qui concerne l’Algérie, elle demeure une économie dépendante des exportations des hydrocarbures qui représentent plus du tiers des revenus du pays. Grâce à des prix élevés durant des années, une stabilité macroéconomique a été observée. Une réserve importante de devises fut constituée permettant un faible endettement et un système généreux de subventions. L’économie dépend de l’intervention de l’Etat qui reste le principal acteur économique.
En outre, la politique des dépenses publiques n’a pas changé après la baisse du prix du pétrole en 2014. Elle a tiré sur le stock des devises, ce qui a conduit à la dévaluation de la monnaie locale.
Par ailleurs, avec la montée des pressions, un programme d’assainissement budgétaire a été mis en place en 2016. Cela n’a pas empêché le taux de chômage de s’aggraver, passant de 10,5% en 2016 à 12,3% en 2017. Le taux de croissance n’a pas dépassé 1,4% en 2017. La limitation des importations et la politique monétaire expansionniste ont eu peu de succès dans la stimulation de la demande, alors que l’inflation s’est inscrite à la hausse.
Donc, le défi majeur de l’économie reste le changement du modèle économique avec moins d’intervention étatique et plus d’indépendance des hydrocarbures. Une diversification de l’économie et des réformes en faveur d’un rôle plus important du secteur privé sont les chantiers les plus urgents. D’autres priorités sont également à traiter, à savoir le problème de la corruption, l’accès au financement et l’allègement des lois de travail. Le CEBR table sur une croissance de l’Algérie de 2,5% et 2,7% respectivement en 2019 et 2020. Etant donné la volonté de gouvernement de ne pas emprunter et de financer son déficit par la planche à billet, l’inflation devrait grimper en 2019. Le pays perdrait une place dans son classement, passant de la 54ème position actuellement à la 55ème en 2033.
Maroc : nécessité de plus de valeur ajoutée locale
Le Maroc dispose d’une économie diversifiée, basée sur l’exportation du textile, automobiles, composants électroniques et les produits chimiques. Il continue à tirer bénéficie de sa position géographique, sa stabilité politique et de sa compétitivité en terme de coût de main d’œuvre. La croissance 2018 devrait décélérer puisque l’année précédente a enregistré une saison agricole exceptionnelle. Le pays a réussi à attirer des IDE importants, avec 110 entreprises dans l’aérospatiale et 150 sociétés dans les composantes automobiles. Les énergies renouvelables ont été développées, avec l’objectif d’atteindre une part de 42% de l’électricité produite en 2020 et 52% en 2030, l’équivalent de 7 fois la production africaine actuelle. Le Maroc a suivi un plan rigoureux d’assainissement budgétaire, avec un déficit passé de 7,2% en 2012 à 3,2% en 2018. L’endettement serait sous la barre des 60% en 2023, bien que le Gouvernement compte augmenter ses dépenses de 10% en 2019.
Le challenge majeur de l’économie marocaine reste la nécessaire baisse des importations des produits semi-finis indispensables à l’industrie. L’augmentation de la valeur ajoutée locale est donc la clef pour réduire ce déficit. Le CEBR table sur la stabilité du classement du Royaume à la 60ème place en 2033.
Mais si d’ici cette date, les pays décident d’avancer plus sur le chemin de l’intégration, quels seraient les résultats ? Certainement, nous auront des classements bien meilleurs.