Remue-ménage avec la publication, fin décembre 2018, des rapports de la Cour des comptes et de l’INLUCC. Des rapports utiles et nécessaires. Mais s’il est vrai qu’il ne peut y avoir de répit pour les fraudeurs et les corrompus, il est également bien vrai de dire qu’il ne faut pas trop grossir le trait. Même si cela peut fâcher ceux qui sont gagnés par une quasi-paranoïa qui décrit tout le pays comme étant un territoire de non-droit.
Lundi 24 décembre 2018, la Cour des comptes présente devant les représentants des médias son 31ème Rapport qui couvre des opérations de contrôle opérées au cours des années 2016 et 2017. Jeudi 27 décembre 2018, c’est au tour de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC) d’entrer en action pour présenter son rapport annuel.
Deux événements qui surviennent alors que le pays –ou du moins certaines régions du pays- vivent une agitation suite au décès d’un confrère (Abderrazak Rezgui) immolé par le feu. Et alors que le gouvernement et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) négocient bruyamment au sujet des augmentations salariales dans la fonction publique ; avec en arrière-plan une grève générale annoncée pour le 17 janvier 2019.
Les deux rapports ne pouvaient, excusez du terme, plus mal tomber pour dire combien le pays est mal géré : fautes de gestion, manquements, infractions et corruptions sont au rendez-vous des deux rapports.
Un mal-être évident
De quoi évidement grossir le trait, pour du moins certains, quant aux irrégularités, dépassements et passe-droits fréquents notamment dans le service public, objet de bien des critiques et gagné par un mal-être évident.
Et comme de coutume, les débats dans la rue, sur les réseaux sociaux et même dans les médias sont là pour faire comme dit un proverbe tunisien d’un « grain » un « dôme » !
D’autant plus que l’administration a reculé au niveau de son rendu et de sa discipline. Et que la corruption a gagné beaucoup de terrain.
Disons-le avant d’aller plus loin, et sans ambages, les deux rapports, comme tout autre rapport d’inspection et de contrôle, émanant des structures publiques et privées, sont à la fois nécessaires et utiles. Encore, indispensables.
Outre le fait qu’ils débusquent les fraudeurs et autres corrompus, ces rapports mettent le doigt sur les dysfonctionnements, incohérences, erreurs et manquements. Et évitent qu’ils soient réalisés de nouveau.
Très souvent ces rapports font l’objet d’un intérêt particulier de la part des structures contrôlées. Dans la mesure où ils les aident à dépasser les vécus quotidiens qui vont mal. Pour ne pas dire à renverser la vapeur en matière de gestion.
« Salubrité publique »
Inutile de préciser également qu’il ne peut y avoir de répit pour les fraudeurs et autres corrompus. Les punir est une obligation. Il s’agit même d’une opération de « salubrité publique »
Mais si ce qui précède est bien vrai, il est également bien vrai de dire que seuls ceux qui n’agissent pas ne se trompent jamais. Aussi faire œuvre de triomphalisme lorsqu’on découvre un grain de sable dans les rouages de la machine administrative est une attitude jusqu’à pathétique.
L’erreur est humaine, dit un proverbe français. Les Japonais ont créé, dans cet ordre d’idées, l’approche managériale du « Gemba Kaisen » qui repose sur l’amélioration continue ; donc sur la chasse continue aux fautes et erreurs pour arriver au meilleur produit ou service. La faute, l’erreur est donc un moyen pour avancer.
Cela dit, il ne faut pas, en la matière, comparer l’incomparable. Ceux qui conduisent les opérations de contrôle et d’inspection, et pas précisément ceux de la Cour des comptes, savent que l’administration tunisienne ne baigne pas dans la qualité totale. Et que donc tout ne va pas pour le mieux dans nos services publics.
Des manquements, des erreurs, des fautes, des incohérences ou même des faits plus graves sont quelquefois le fait d’un manque de ressources et de défaillances structurelles contre lesquels les managers les plus performants ne peuvent rien : faible taux d’encadrement, absence ou insuffisance de la formation continue, manque de personnel, absence d’applications et de programmes, vétusté des équipements, manque de moyens de transport,.. .
Ils ne peuvent tout maîtriser
Sans oublier le fait que l’inaction n’est pas souvent imaginable lorsqu’il s’agit de conduire un projet et des tâches. Les délais, le respect d’engagements, par exemple, conduisent, en outre, à tomber dans le piège des erreurs.
Il faut également le dire, même si cela peut fâcher, les contrôleurs et les inspecteurs de tout bord ne sont pas, en outre, toujours bien imprégnés du vécu des structures où ils opèrent. Ils ne peuvent du reste tout maîtriser. Dans certains domaines, et disons-le, le contrôle et les inspections exigent une technicité qu’ils ne possèdent pas.
Souvent, encore, trop attachés au respect des textes et procédures, ils ne prennent pas assez en considération que certaines structures évoluent dans un contexte assez spécifique. Comme le cas de certaines entreprises et établissements publics qui opèrent dans des secteurs et marchés concurrentiels.