Le secteur des pharmacies d’officine se bat sur plusieurs fronts, celui qui l’oppose au projet de révision de la loi qui régit l’organisation des pharmacies d’officine, mais également celui qui l’oppose à la Caisse nationale assurance maladie (CNAM).
Le Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie (SPOT) met, à cet effet, la lumière sur plusieurs points qui ont soulevé bon nombre d’interrogations.
Le SPOT réitère son opposition aux deux projets de loi visant à modifier le décret n° 92-1206 du 22 juin 1992 relatif à l’organisation des officines de détail et l’arrêté du 26 août 1993 fixant les conditions d’établissement des listes d’attente pour les pharmacies qui demandent l’autorisation d’exercer.
Le point de mésentente porte notamment sur le numerus clausus qui établit les autorisations d’ouverture des nouvelles officines selon une méthode de calcul qui prend en compte le nombre d’habitants et le zonage (à savoir la répartition des localités et régions en plusieurs zones en fonction de leurs besoins en officines). Le projet de loi en question vise à baisser le numerus clausus.
Cette réforme permettrait selon les décideurs politiques de lutter contre le chômage grandissant dans ce secteur, notamment chez les jeunes diplômés des facultés de Pharmacie, chose que conteste et dément le syndicat. Selon le SPOT, ce secteur ne connaît que très peu de chômage, la baisse du numerus clausus amènerait par contre à fragiliser les officines d’ores et déjà établies.
SPOT- CNAM : des zones d’ombre
Ces deux projets de loi, décidés de manière unilatérale par le ministère de la Santé et sans concertation avec les syndicats intéressés, ont suscité l’étonnement que le SPOT n’a pas manqué d’exprimer dans un communiqué publié le 11 décembre 2018. Pour le syndicat, ces projets, pris d’une manière unilatérale, auront des conséquences désastreuses si elles sont adoptées, et ouvriront inéluctablement la voie à de multiples abus.
Par ailleurs, le non renouvellement de la convention-cadre entre le SPOT et la CNAM qui a pris fin en octobre 2018, a suscité bon nombre d’interrogations. Le Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie a souhaité s’exprimer à ce propos et clarifier certaines zones d’ombre. Parmi les causes de ce non renouvellement, les retards de paiement sous-jacents à la crise qui a frappé de plein fouet les caisses de sécurité sociale, dont les prestataires de santé (tous secteurs confondus) ont fait les frais, et particulièrement les pharmaciens d’officine. Outre les délais de paiement jamais respectés selon le SPOT, un allongement du délai légal de remboursement à 90 jours a été décidé.
Pharmacies : accroissement du besoin en fonds de roulement
Afin d’illustrer les conséquences de tels manquements, une étude expertise comptable a été réalisée, d’estimation des charges supportées par officine à cause des retards de paiement des créances client.
Une estimation basée sur l’état de résultat d’une officine moyenne et selon les hypothèses suivantes : chiffre d’affaire annuel HT : 750 000 dinars, résultat avant impôt : 76 353dinars, taux de rémunération du découvert bancaire : 11 % (TMM de base 7.28%), part de la CNAM dans le chiffre d’affaire annuel : 25 %.
Ainsi, le retard de paiement des clients génère directement un accroissement du besoin en fonds de roulement qui, en absence de fonds propres, conduit au recours à des financements bancaires sous forme de crédit de gestion ou de découvert bancaire.
Ainsi, selon le rapport d’expertise et compte tenu de ces hypothèses, la charge financière mensuelle subie par l’officine pour un mois de retard accusé par la CNAM a été estimée à 1718.750 dinars.
« Pour le retard de 150 jours, constaté actuellement, la charge financière annuelle s’établit à 8593.750 dinars par rapport au résultat avant impôts, soit 5 500.000 dinars de manque à gagner au niveau du résultat net » indique le rapport en question.
Le rapport d’expertise montre en toute évidence les difficultés rencontrées par les officines moyennes, bien plus grandes et plus difficiles à gérer que les petites officines. Un allongement des délais de remboursement, ne pourrait que faire empirer la situation d’où le rejet du SPOT d’une telle mesure.
Le SPOT souligne, par ailleurs, que des remboursements auprès de certaines officines ont été constatés en dehors du cadre légal de la convention-cadre entre la CNAM et le syndicat. Une action en justice est en cours pour cette affaire, illustrant l’ampleur du conflit qui oppose les deux protagonistes.
Un système de santé fragilisé
Les crises que rencontre le secteur des pharmacies d’officine ne sont pas seulement celles d’un marché en difficulté et qui peine à trouver des solutions, mais il s’agit d’un service système de santé à part entière qui risque d’être fragilisé dans sa globalité. Les pharmacies d’officine sont incontestablement un vecteur qui permet de rapprocher le médicament du citoyen, les difficultés qu’elles rencontrent équivalent à un moindre accès aux médicaments, augmentant davantage les souffrances des Tunisiens.